Phoque II
1943
Constantin Brancusi
Une première version du Phoque réalisée en marbre blanc apparaît tardivement dans le répertoire des formes créées par le sculpteur. Commencée à la fin des années vingt et terminée au début des années trente, cette sculpture s’intitule Le Miracle. Le titre, peu descriptif, évoque la transfiguration de l’animal dans le passage entre le terrestre et l’aquatique, entre le poids de son corps sur terre et la fluidité de son mouvement dans l’eau.
La seconde version est en marbre bleu et date de 1943.
Dans cette sculpture, le travail alchimique de Brancusi sur les matériaux est particulièrement sensible. Une contradiction semble apparaître au sein même de la matière entre le polissage extrême du bloc de marbre qui le rend léger, et sa masse imposante. La stabilité du support en pierre massif, de forme ronde, accentue cette sensation entre équilibre et déséquilibre, poids et légèreté, opacité et transparence. Cette tension est pour Brancusi ce qu’il doit sculpter, c'est-à-dire ce qui constitue l’essence même de l’animal, corpulent et maladroit sur terre, mais vif et gracieux dans l’eau.
Le polissage du marbre bleu permet à Brancusi d’obtenir une brillance presque translucide qui rend particulièrement visibles les veines du marbre. Celles-ci se propagent sur l’animal comme une ondulation provenant de la forme ronde et massive du socle. Commencée à la base de la queue par une forme ovoïde, l’onde se déplace jusqu’au sommet du corps, interrompue par un pan coupé net. Le phoque en marbre bleu, malgré son poids, semble, dans un équilibre instable, glisser à la surface de la pierre et s’extraire de la pesanteur.
Pour aller plus loin
Brancusi et Le Phoque dans la collection du Centre Pompidou
Vues du Phoque dans l'atelier de Brancusi, impasse Ronsin, Paris 15e