Le MuMo, ce camion-musée qui fait voyager l'art sur les routes de France
Dans le cadre de l’implantation du futur pôle francilien de conservation et de création – fabrique de l’art à Massy, le Centre Pompidou met en œuvre depuis 2019, avec ses partenaires, une programmation de préfiguration artistique et culturelle dans toute la région Île-de-France. Reporté en raison de la pandémie, le lancenent du nouveau MuMo, camion musée mobile construit avec le soutien d’Art Explora et entièrement dédié au Centre Pompidou, a lieu à Massy du 25 juin au 1er juillet avec l’exposition « Les animaux sortent de leur réserve ». De nombreuses activités pédagogiques et de médiation y sont proposées. Véritable lieu culturel itinérant, MuMo × Centre Pompidou reviendra en Île-de-France à la rentrée pour circuler à Angerville à Angerville, Bois-Herpin, Mérobert, La Chapelle en Vexin et Villers en Arthies. Rencontre avec Isabel Hérault, qui a porté le projet pour l'agence Hérault-Arnod architectes.
Comment avez-vous abordé ce projet de camion-musée pour le Centre Pompidou ?
Isabel Hérault — Selon deux axes. D'abord les aspects techniques : toutes les possibilités offertes par le camion, ce qui nous a conduits à étudier le fonctionnement de différents types de véhicules existant (pompiers, tour de France, etc.), avant de nous rendre chez le constructeur avec lequel nos échanges furent fructueux. Le second axe concernait les fonctionnalités d'un camion-musée : comment réussir à en faire un « vrai » musée en dépit d'une surface réduite, tout en prenant en compte les spécificités de l'offre du Centre Pompidou depuis ses origines, notamment sa pluridisciplinarité ? Nous avons souhaité que l'espace d'accrochage du camion s'approche au plus près des caractéristiques de l'espace muséal afin de présenter les œuvres dans des conditions optimales : salle d’exposition blanche et épurée, éléments techniques cachés et accrochage des œuvres sans dispositif apparent. La technique s’efface au profit des œuvres. Partant du fait que le Centre Pompidou est bien plus qu'un lieu d'exposition, nous voulions aussi restituer à petite échelle un dispositif permettant d'organiser performances, concerts, projections de films, ateliers pour enfants.
Partant du fait que le Centre Pompidou est bien plus qu'un lieu d'exposition, nous voulions aussi restituer à petite échelle un dispositif permettant d'organiser performances, concerts, projections de films, ateliers pour enfants.
Isabel Hérault
Que diriez-vous des enjeux de l'architecture dans ce contexte spécifique alors qu'il s'agit ici d'aménagement, de fonctionnalités, d'optimisation et non de construction ?
Isabel Hérault — Ce contexte nous renvoie à des projets qui nous confrontent à des questions assez similaires… Je pense au travail que l'agence a réalisé sur des salles de concerts où il s'agissait en premier lieu de répondre à un programme : faire une bonne salle avec une bonne acoustique. Chaque fois que nous abordons ce type de projet nous faisons en sorte d'aller au-delà, en proposant par exemple des espaces entre intérieur et extérieur qui induisent d'autres usages. Notre projet pour le MuMo rejoint cette démarche, en concevant la loggia comme une boîte ouverte vers l'extérieur, une scène de théâtre qui valorise la fonction d'accueil. La loggia crée une relation avec l'extérieur (la ville ou le village) et offre d'autres usages dont certains sont encore à inventer.
Ce projet présente un ensemble de contraintes…
Isabel Hérault — Dans ce cas de figure, le mode constructif est complètement différent puisque l'on se trouve face à la machine-camion avec ses fonctionnalités propres et son mode de fabrication. Ici tout se construit en atelier, c'est un processus industriel. L'enjeu consiste ici à partir d'un mode constructif auquel nous ne sommes pas habituellement confrontés, pour en tirer le maximum tout en restant très simples.
L'une des questions que pose le musée mobile est celle de l'optimisation de l'espace…
Isabel Hérault — Nous avons réfléchi à la manière dont nous pouvions agrandir l'espace d'exposition afin d'accueillir un maximum de personnes en offrant les meilleures conditions d'accrochage, avec suffisamment de recul pour voir les œuvres. Vouloir ménager du recul exclut de placer une porte à l'arrière du camion et permet de dégager une surface d'accrochage supplémentaire. Cela confère une autre ampleur à ce qui est accroché. Il nous a fallu considérer le camion sous l'angle de tous ses aspects techniques et concevoir, par exemple, des tiroirs latéraux, plus grands que le modèle standard, qui s’emboîtent une fois repliés, ce qui génère des contraintes particulières. Ou encore, composer avec les vibrations : les œuvres devant restées accrochées pendant le transport il faut les protéger, pour cela nous proposons de les fixer à des cloisons sur ressort qui absorbent une part conséquentes des vibrations.
J'aimerais que nous parlions de la loggia, l'un des points forts du projet…
Isabel Hérault — La loggia est pensée en priorité comme un lieu d'accueil, un espace tampon qui protège le musée de l'extérieur. Il nous semblait inconcevable que la salle d'exposition soit séparée de l'extérieur par une simple porte, d'une part pour l'accueil du public (notamment en cas d'intempéries) ; d'autre part pour la conservation des œuvres et le maintien de conditions stables à l'intérieur de la salle (température, hygrométrie). La loggia évoque un stand de foire revisité, à la fois attractif et joyeux, avec l'enseigne au-dessus et cette couleur rouge qui crée un point focal. Elle est dotée de fonctionnalités très pragmatiques, avec ses vestiaires installés de part et d'autre pour que l'on puisse laisser son manteau… Pour nous, le seul fait de retirer son manteau avant d'entrer dans la salle d'exposition permet de se rapprocher des conditions d'un musée (du moins en termes de ressenti). L'hiver, cet espace est fermé par un rideau translucide, laissant passer la lumière, et l'isolant du froid et de l'humidité. La loggia a vocation à servir d'espace de médiation, on peut y organiser des ateliers pour enfants et accrocher leurs travaux. On peut aussi projeter des films depuis la loggia. C'est un espace annexe qui peut proposer toutes les fonctionnalités qui ne sont pas liées à l'exposition.
Vous réalisez ce projet en binôme avec plasticien Krijn de Koning, comment travaillez-vous ?
Isabel Hérault — Cette collaboration avec Krijn de Koning a été définie dès le début du projet : l'agence travaillait sur la conception générale du camion-musée, Krijn de Koning prenait en charge la couleur du MuMo ainsi que son mobilier. Ce qui correspond à un champ qui est celui de son travail de plasticien dont l'œuvre aborde la question de la couleur, du volume, de l'interaction avec l'architecture. Nous travaillons chacun de notre côté avec des échanges réguliers. Pour les éléments de mobilier nous nous sommes posés la question du rangement et avons suggéré un mur de blocs qui peut prendre place dans l'alcôve. C'est à partir des dimensions de l'alcôve que Krijn a calculé la dimension des blocs.
Utiliser la couleur permet d'attirer le regard et l'attention sur la réalité qui nous entoure.
Krijn de Koning
Krijn de Koning — Je me suis en effet concentré sur la couleur, présente à l'extérieur et à l'intérieur du camion. J'ai également travaillé sur des blocs qui peuvent servir de siège ou de petite table. Ces blocs ont aussi une vocation esthétique lorsqu'ils sont rangés contre le mur de l'alcôve : ils forment une composition colorée et interagissent avec l'environnement du camion. Utiliser la couleur permet d'attirer le regard et l'attention sur la réalité qui nous entoure, en cela on peut dire que la couleur constitue un outil visuel. Je trouve toujours fascinant qu'un espace architectural puisse changer radicalement de statut et offrir une perception totalement différente grâce à une fine couche de peinture de couleur. Pour MuMo, j'ai pris en compte les différents aspects du camion au gré de son utilisation, suivant qu'il se déplace sur une route ou qu'il soit garé sur la place d'un village ou dans une ville… J'ai également pensé aux passages d'un espace à l'autre, de l'extérieur à l'intérieur, ainsi qu'à la relation entre les différents éléments colorés et l'espace central. Les couleurs choisies pour la remorque mettent en valeur la géométrie du camion pour en faire une sorte d'objet spécifique. Ces couleurs se veulent festives et attirent le regard sans être gênantes pour le traffic routier. L'ensemble des tonalités, extérieures ou intérieures, constitue comme un cadre qui met en valeur l'espace blanc et silencieux de la salle d'exposition.
Quelle différence y-a-t'il à travailler sur un projet comme le MuMo ou la création s'entend dans une dimension d'abord fonctionnelle ?
Krijn de Koning — La question de la fonctionnalité ou du fonctionnement traverse certains de mes projets qui induisent une interaction avec le public, notamment lorsqu'il s'agit d'installations architecturales, ou de sculptures constituées de blocs ou d'éléments qui peuvent être déplacés et recomposés. Dans ce projet l'intention est dictée par l'utilisation, c'est ce qui la différencie d'une œuvre à 100% autonome. ◼
Le MuMo, qu'est-ce que c'est ?
Le MuMo (Musée Mobile) a été fondé en 2011 par Ingrid Brochard pour rendre la création contemporaine accessible à ceux qui en sont éloignés, dès le plus jeune âge, en partageant une expérience artistique et esthétique sur les territoires. Après une première version aménagée par l'architecte Adam Kalkin dans un conteneur, un deuxième musée itinérant voit le jour en 2017 avec la designer matali crasset, pour diffuser les oeuvres des collections du Cnap et des Frac.
En 2022, un troisième camion-musée, le MuMo × Centre Pompidou, naît de la collaboration de la plus grande institution d’art contemporain d’Europe, fortement investie dans le développement de son action territoriale, et du Musée Mobile. Le MuMo × Centre Pompidou est une œuvre d'art en soi imaginée par Hérault Arnod Architectures et l’artiste Krijn de Koning. Il est dédié à la présentation des œuvres de la collection du Musée national d’art moderne/Centre Pompidou sur l’ensemble du territoire.
Mécène de la construction du camion-musée, la fondation Art Explora mobilise aussi pour ce projet son réseau d’artistes, d’institutions et de bénévoles ; le ministère de la Culture, le fonds Milk For Good et la Fondation Macif soutiennent quant à eux l’itinérance annuelle du MuMo × Centre Pompidou.
Une exposition inédite : « Les animaux sortent de leur réserve »
Qu’ils vivent dans l’eau, sur terre ou dans les airs, qu’ils soient familiers ou sauvages, les animaux et leur diversité inspirent depuis toujours les artistes et demeurent un sujet attractif pour les enfants qui permet d’aborder des questions plus larges, à la manière des Fables de La Fontaine. « Les animaux sortent de leur réserve » plonge le public dans un imaginaire humoristique et poétique répondant à l’attachement qu’entretient l’homme à l’animal. Les artistes explorent ces relations grâce à différents médiums : dessin, peinture, photographie, ou encore cinéma.
Le public est invité à poser un premier regard sur la création et à s’interroger sur les multiples représentations du monde animal dans l’art moderne et contemporain.
Quelques dates
25 juin – 1er juillet 2022 : Massy
12 – 18 septembre 2022 : Angerville
19 – 21 septembre 2022 : Bois-Herpin
22 – 23 septembre 2022 : Mérobert
3 – 4 octobre 2022 : La Chapelle-en-Vexin
5 – 7 octobre 2022 : Villers-en-Arthies
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Vue d’artiste du camion MuMo × Centre Pompidou en configuration salle de spectacle
© Hérault Arnod Architectures + Krijn de Koning