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Le Centre Pompidou &... Charlotte Abramow

À trente ans et des poussières, Charlotte Abramow est l'un des talents montants de la photographie et de la vidéo — connue du grand public pour avoir notamment travaillé avec la chanteuse Angèle. L'éclectique Belge, qui vient de réaliser l'affiche du festival Extra! 2024, nous confie quelques-uns de ses coups de cœur artistiques, de René Magritte à Martha Wilson en passant par Christian Boltanski.

± 3 min

Dans le clip du titre « Balance ton quoi » (2019), signé Angèle, on retrouve toute la patte de Charlotte Abramow — soit une imagerie pop et candide qui enrobe brillamment un sous-texte féministe engagé. Culminant ces temps-ci à quarante-huit millions de vues sur YouTube, la vidéo a lancé en trombe la carrière de la chanteuse belge, tout comme celle de sa compatriote Charlotte. Pourtant, l'artiste bruxelloise de 31 ans n'est pas née de la dernière pluie. Ses premières images, elle les réalise dès l'adolescence, et son talent précoce est vite repéré par un grand nom de la photographie, l'Italien Paolo Roversi.

 

Ses premières images, elle les réalise dès l'adolescence, et son talent précoce est vite repéré par un grand nom de la photographie, l'Italien Paolo Roversi.

 

Après un passage par l'école de Gobelins, Charlotte Abramow, désormais Parisienne, multiplie les projets et les expositions, notamment aux Rencontres photographiques d'Arles, où elle est primée. Au cœur du travail de la photographe, le corps féminin et ses représentations, mais aussi la question des stéréotypes de genre, et celle du consentement. Des préoccupations éminemment dans l'époque qui en font l'une des voix les plus pertinentes de sa génération. Rencontre.

« Le Centre Pompidou, je le porte dans mon cœur. C'est un grand temple de l'art, mais on s'y sent comme à la maison. La première fois que je suis venue, j'avais 4 ans environ, et c'était à l'occasion d'un voyage familial à Paris. Je ne me souviens pas très bien de tout — c'est ma mère qui m'en a souvent fait le récit — mais l'anecdote veut qu'après avoir arpenté les allées du Musée je me sois plantée devant les fameux Bleu de Miró en m'écriant « maman, ça représente la vie ! »... Et c'est assez juste, il y a quelque chose de très organique dans ces toiles, une forme de force enfantine. Joan Miró reste encore aujourd'hui l'un de mes peintres préférés. 

 

Le Centre Pompidou, je le porte dans mon cœur. C'est un grand temple de l'art, mais on s'y sent comme à la maison.

Charlotte Abramow

 

Certaines expositions m'ont énormément marquée, comme la grande monographie sur René Magritte, « La trahison des images ». J'y suis allée seule, pour mon anniversaire. Mais ce n'était pas triste du tout ! À ce moment-là, j'étais en pleine création du livre MauriceTristesse et rigolade, que j'ai consacré à mon père (décédé en 2018, ndlr). Ça m'a beaucoup inspirée, je l'ai d'ailleurs photographié devant des toiles de Magritte à cette occasion. J'adore faire les expos en solo car je suis lente, je lis tous les cartels ! Je suis quelqu'un d'assez contemplatif, alors ça me va. Sinon, j'ai une très bonne compagne pour ce genre d'activité, mon amie et artiste Claire Laffut. Récemment, nous nous sommes perdues dans la passionnante exposition « Surréalisme », c'est un vrai labyrinthe… D'ailleurs il faudra que je revienne, tant il y a de merveilles à voir.

Au Musée, j'ai fait de vraies découvertes, comme la photographe et performeuse américaine Martha Wilson. Je ne connaissais pas du tout cette artiste, et j'étais très surprise de découvrir des points communs entre son travail et le mien ! 

Charlotte Abramow

 

J'ai aussi un souvenir très fort de l'exposition Boltanski, en 2020. C'était assez sombre, empreint de souffrances évidemment, mais surtout très profond. Le travail de Christian Boltanski me touche énormément car il a une résonance personnelle : mon père a été, comme l'artiste, un enfant caché pendant la Seconde Guerre mondiale. Au Musée, j'ai fait de vraies découvertes, comme la photographe et performeuse américaine Martha Wilson, à laquelle le Centre Pompidou consacrait la toute première exposition monographique en France, fin 2021. Je ne connaissais pas du tout cette artiste, et j'étais très surprise de découvrir des points communs entre son travail et le mien ! Elle a notamment travaillé autour de la représentation du corps féminin. Et son œuvre Breast Forms Permutated (1972, ndlr), qui montre la variété des formes des seins, ressemble beaucoup à mon projet The Real Boobs, qui date de 2014. Ces parallèles inconscients sont fréquents et me ravissent. Une autre artiste avec laquelle cela m'est arrivé, c'est Agnès Varda. » ◼