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Florence et Daniel Guerlain, une passion pour le dessin

Collectionneurs, à la tête de la fondation éponyme, Florence et Daniel Guerlain consentaient au Centre Pompidou, en 2012, une exceptionnelle donation composée de près de mille deux cents dessins, présentée au public l'année suivante. Ce geste d'une grande générosité se prolonge encore de nos jours avec le Prix de dessin qu'ils ont initié en 2006 et dont une ou plusieurs œuvres du lauréat rejoignent chaque année la collection. Une trentaine d'œuvres de leur donation sont présentées dans la salle 7 du niveau 4, au Musée, à compter du 21 juin. Rencontre avec deux passionnés.

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Crayon, fusain, encre, lavis, gouache, aquarelle, pastel, feutre ou sanguine — tous les moyens graphiques sont admis — à l’exclusion des procédés informatiques ou mécaniques, pour se présenter au Prix de dessin contemporain de la Fondation Daniel et Florence Guerlain. Les trois artistes nommés chaque année depuis 2006 peuvent être de nationalité française ou étrangère sous réserve qu’ils résident en France ou y entretiennent un lien culturel privilégié, au sein d’expositions institutionnelles par exemple. Cette année, c'est Pascal Leyder qui a été couronné, faisant suite à Sandra Vàsquez de la Horra, Françoise Pétrovitch et Olga Chernysheva. Né en 1988 dans les Ardennes belges, ce jeune artiste est apparenté à l'art brut. Ses œuvres, qui puisent leur inspiration dans des cartes géographiques anciennes comme dans des éléments du quotidien, fourmillent de détails ; le moindre centimètre carré de surface en est saturé, d'un seul et unique premier jet.

En janvier 2012, Florence et Daniel Guerlain faisaient au Centre Pompidou une exceptionnelle donation réunissant mille deux cents œuvres sur papier (elle sera montrée l'année suivante au public). L’entrée de cette prestigieuse collection, une référence pour l’art sur papier contemporain, au cabinet d’art graphique du Centre Pompidou en a profondément transformé la physionomie et constitue un enrichissement historique. Elle complète et enrichit la collection d’œuvres d’artistes qui n’étaient pas encore représentés, comme Javier Perez, Vidya Gasteldon, Gert et Uwe Tobias, Richard Prince, Cameron Jamie ou vient renforcer des ensembles déjà existants. La grande générosité du couple Guerlain se poursuit jusqu'à nos jours puisque chaque année, ce sont une ou plusieurs œuvres du lauréat ou de la lauréate qui rejoignent la collection du Centre Pompiou. Au total, elle a été enrichie de mille trois cent cinquante-trois dessins de deux cents artistes représentant quarante-cinq nationalités. Entretien.

 

Qu’est-ce qui vous séduit dans le médium du dessin ?
Daniel Guerlain —
Je suis paysagiste et, comme pour le dessin d’artiste, c’est le premier geste qui transmet du cerveau à la main. Que ce soit pour la création de jardins, pour celle de voitures ou d’avions, le premier geste se fait au crayon même si après, de nos jours, l’informatique a pris le relais. Quand nos grands architectes construisent des musées extraordinaires, je suis sûr qu’ils ont commencé par un crayonnage ou un vrai dessin dans leur bureau, leur chambre ou un avion… Je pense que le crayon est un « outil » qui devrait être donné à tous les enfants au début de leur vie. D’ailleurs lorsque l’on regarde des dessins de jeunes enfants, il y a une fraîcheur, une spontanéité incroyable qui disparaît dès que l’adulte donne des directives ou des tendances.
Florence Guerlain — Si nous regardons les peintures des maîtres anciens, on retrouve des dessins préparatoires qui sont aussi beaux que les chefs-d’œuvre peints.

 

Je suis paysagiste et, comme pour le dessin d’artiste, c’est le premier geste qui transmet du cerveau à la main. Que ce soit pour la création de jardins, pour celle de voitures ou d’avions, le premier geste se fait au crayon

Daniel Guerlain

 

En 2006 vous avez créé un prix de dessin contemporain. La décision de concentrer votre collection sur le dessin vient-elle de là ou s’agit-il d’une décision antérieure au prix ?
Florence Guerlain —
La Fondation, créée en 1996, et implantée aux Mesnuls, dans les Yvelines, était destinée à faire découvrir l’art au plus grand nombre. Si le lieu est historiquement intéressant, il n’était pas réaliste dans la pratique car trop éloigné de Paris ce qui en rendait l’accès difficile. Nous avons donc décidé de fermer, en 2004, l’aspect public de la Fondation et avons initié, en 2006, un prix de dessin contemporain correspondant à la passion de Daniel pour le trait.
Daniel Guerlain — On peut dire qu’à partir de là nous avons regardé le dessin d’une façon plus intense, plus systématique pour notre collection. Ce prix d’abord biennal, devenu annuel depuis 2009, a bien sûr influencé notre façon de collectionner.

 

Quels sont les conseils que vous donneriez à un collectionneur qui débute ?
Daniel Guerlain —
De ne pas se presser, de regarder…
Florence Guerlain — D’acheter selon son cœur, je crois. Quand une œuvre agace ou choque : ne pas dire je n’en veux pas, ce n’est pas bien. Au contraire la regarder encore plus…

 

Quand une œuvre agace ou choque : ne pas dire je n’en veux pas, ce n’est pas bien. Au contraire la regarder encore plus…

Florence Guerlain

 

Il est rare que les donations de cette importance aboutissent dans les musées français. Aux États-Unis, par exemple, on a davantage l’habitude de ce type de générosité. Est-ce que vous pensez que votre exemple va entraîner d’autres donations ?
Florence Guerlain —
Mille deux cents dessins c’est effectivement une grande donation. Il faut espérer que nous soyons suivis. Je pense qu’il y a une prise de conscience de certains collectionneurs que les musées ont moins de moyens pour acquérir des œuvres. C’est alors un moyen d’enrichir les collections.


Parmi les dessins donnés au Musée, avez-vous eu l’un et l’autre des coups de cœur particuliers ? Y a-t-il une œuvre ou un artiste qui vous séduit plus que d’autres ?

Daniel Guerlain — Je crois que nous ne pouvons pas vraiment répondre à cette question. Mille deux cents dessins, trente-huit nationalités, deux cents artistes, cela représente un nombre incalculable de coups de cœur. J’aurais peur de faire de la peine à quelques artistes et ce serait désolant, cela gâcherait l’immense plaisir de cette donation et celui encore plus grand de voir cette exposition devenue réalité. ◼

L'entretien entre Florence et Daniel Guerlain et Jonas Storsve a été publié dans Code Couleur 14, à l'occasion de l'exposition consacrée à la donation, 16 octobre 2013 - 7 avril 2014.

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