Skip to main content

Où est-ce qu’on se mai ?

Présentation

« Où est-ce qu’on se mai ?  Vidéo militante des années 1970 en France » fait dialoguer les œuvres de trois collectifs liés autant par l’amitié que par leurs engagements : Vidéo Out, Les Muses s’amusent et Les Insoumuses. Cette sélection thématique emprunte son titre à la vidéo de Ioana Wieder et Delphine Seyrig Où est-ce qu’on se mai ?, slogan lui-même repris du cortège féministe de la manifestation parisienne du 1er mai 1976.

 

Dans le sillage de Mai 68, les cultures militantes se diffusent en France à travers de multiples supports de contre-information et de mobilisation : tracts, affiches, journaux, films, bientôt rejoints par la vidéo dite légère. Caméra au poing, de nombreux collectifs documentent les luttes contemporaines, tout en renouvelant les pratiques et les formes de l’image en mouvement.

  • Créé en 1970 par Carole et Paul Roussopoulos, Vidéo Out accompagne les combats anti-impérialistes, ouvriers, immigrés, féministes et homosexuels de l’époque.
  • Association créée en 1974 autour de Delphine Seyrig et Ioana Wieder, Les Muses s’amusent se définit comme un groupe de femmes déterminées à intervenir par tous les moyens d’expression et de création audiovisuelle.
  • À partir de 1976, Les Insoumuses s’affirme comme une autre signature, informelle, née de la collaboration croisée des deux collectifs.

Placée sous le signe d'une interrogation polysémique, cette présentation permet de déplier des questions toujours actuelles. Quelle place les femmes et leurs revendications occupent-elles dans les luttes sociales et politiques ? Quelles sont les potentialités des combats et des rêves féministes ? Comment ces images vidéo circulent-elles entre militantisme et milieux artistiques ?


Chaque vidéo est accompagnée d’une sélection d’archives : brochures, correspondances, livres, périodiques, photographies, supports audio, caméra et magnétoscope Portapak.


Trois séances de rencontres et de projections sont programmées de septembre à novembre 2022, dans le cadre du cycle Vidéo et après:

  • 14 septembre 2022, à 19h00, salle Cinéma 2 :
    Conversation avec la vidéaste, traductrice et militante Ioana Wieder
  • 12 octobre 2022, à 19h00, salle Cinéma 2 :
    Autour de l’œuvre de Chantal Akerman, Letters Home (1986) 
  • 14 décembre 2022, à 19h00, salle Cinéma 2 :
    Autour de l’œuvre de Ioana Wieder, Accouche ! (1977)

Œuvres exposées

Carole Roussopoulos, Genet parle d'Angela Davis, 1970
Carole Roussopoulos, Le F.H.A.R., Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire, 1971
Carole Roussopoulos, Paul Roussopoulos, Grève à Jeune Afrique, 1971
Carole Roussopoulos, Christiane et Monique : Lip V, 1976
Carole Roussopoulos, Jacqueline et Marcel : Lip VI, 1976
Nadja Ringart, Carole Roussopoulos, Delphine Seyrig, Ioana Wieder, Maso et Miso vont en bateau, 1976
Ioana Wieder, Delphine Seyrig, Où est-ce qu’on se mai ?, 1976
Carole Roussopoulos, Delphine Seyrig, S.C.U.M. Manifesto 1967, 1976
Ioana Wieder, Accouche !, 1977

 

  • Autres œuvres présentées :

Sami Frey, Delphine Seyrig, Femmes au Viêtnam, 1974, diaporama sonore. Collection du Centre audiovisuel Simone de Beauvoir
Monique Duriez, Delphine Seyrig, Ioana Wieder, Où est-ce qu’on se mai ?, 1976, affiche. Collection de la Bibliothèque Kandinsky


Biographies des artistes

Monique Duriez

Monique Duriez (1945, Avranches) s’installe à Paris à l’âge de vingt ans pour suivre une formation de secrétariat qu’elle n’achève pas. Autodidacte, elle se lance en 1967 dans la photographie, en toute indépendance, liant prise de vue et pratique de laboratoire. Ses intérêts la conduisent à photographier les mouvements de 1968. Manifestations, affiches et graffitis constituent des motifs récurrents de son travail. En 1971, elle rencontre Claude Jourde alors que cette dernière réalise son film Les Enfants du gouvernement. Au printemps 1977, Monique Duriez quitte Paris pour un voyage et de nouvelles aventures en Italie, avant de retourner vivre en Normandie en 1986.

 

Nadja Ringart

Nadja Ringart (1948, Palaiseau) se mobilise contre la guerre au Viêtnam et participe aux événements de Mai 68 alors qu’elle est étudiante en sociologie à la Sorbonne. Elle rejoint dès l’été 1970 le Mouvement de libération des femmes (MLF) et s’engage dans la fabrication du premier numéro de la revue Le Torchon brûle (1971-1973). Elle défend une vision anti-autoritaire, joyeuse et plurielle du féminisme. Proche des cinéastes Chris Marker, Agnès Varda et Hélène Châtelain, elle fait la connaissance de Carole Roussopoulos en 1971, puis s’empare à son tour de l’outil vidéo qu’elle investit notamment dans une recherche-action sur les centres d’accueil pour femmes en difficulté.

 

Carole Roussopoulos

Carole Roussopoulos (1945, Lausanne – 2009, Sion) grandit dans le Valais en Suisse, avant de s’installer à Paris en 1967, où elle participe aux événements de Mai 68. Pionnière de la vidéo légère militante et féministe, elle fonde en 1970 avec son compagnon Paul Roussopoulos le collectif Vidéo Out. En quarante ans de carrière, elle réalise seule ou en collaboration près de cent-cinquante documentaires qui s’attachent à donner la parole à des voix opprimées ou exclues. Le féminisme et le droit des femmes à disposer librement de leur corps comptent parmi ses combats constants. De 1986 à 1994, elle dirige le cinéma d’art et d’essai L’Entrepôt à Paris.

Paul Roussopoulos

Exilé à la fin de la guerre civile grecque, Paul Roussopoulos (1927, Pyrgos – 2014, Sion) poursuit ses études en France où il obtient un doctorat en physique. Il vit pendant quelques années entre Tunis, où il enseigne à l’université, et Paris, où il rencontre Carole de Kalbermatten, qui devient sa compagne de vie et de combat. En tant que mathématicien et physicien, Paul Roussopoulos investit principalement les aspects techniques de la vidéo, et il met au point la première technique de montage dite au chronomètre, avant l’apparition de bancs automatisés. En 1995, Carole et Paul Roussopoulos s’installent à Sion en Suisse, où Paul poursuit sa pratique de peintre.

 

Delphine Seyrig

Delphine Seyrig (1932, Beyrouth – 1990, Paris) passe son enfance entre le Moyen-Orient et les États-Unis. C’est à Beyrouth qu’elle rencontre Ioana Wieder, à l’âge de huit ans. En 1952, elle commence une carrière de comédienne en France, avant de s’installer à New York où elle suit une formation à l’Actors Studio. Icône d’une certaine modernité, proche des avant-gardes, elle commence à travailler, à partir des années 1970, avec des femmes cinéastes comme Marguerite Duras, Chantal Akerman, Liliane de Kermadec et Ulrike Ottinger. Parallèlement à sa carrière d’actrice, elle participe au mouvement féministe dès son apparition en France, après avoir assisté à son émergence aux États-Unis.

 

Ioana Wieder

Fuyant l’occupation nazie de la Roumanie, Ioana Wieder (1932, Bucarest) s’établit très jeune en Palestine, puis au Liban, où elle se lie d’amitié avec Delphine Seyrig. Après son baccalauréat, elle étudie la philosophie à Paris. En 1959, elle s’installe aux États-Unis et s’engage au sein du Free Speech Movement. De retour en France en 1968, Ioana Wieder enseigne dans une école bilingue. Elle découvre par ailleurs la richesse théorique des féministes américaines et traduit de l’anglais des ouvrages emblématiques, dont Vaginal Politics (1972) d’Ellen Frankfort. Participant au MLF dès ses débuts, elle s’implique notamment dans des groupes de conscience sur le self-help


Vidéo Out

Vidéo Out est créé autour de Carole et Paul Roussopoulos en tant que groupe indépendant en 1970. Il se transforme en Société à responsabilité limitée à partir de 1984.

 

Les Muses s’amusent

Association Loi 1901 fondée en 1974, Les Muses s’amusent réunit Josée Constantin, Claire Delpech, Monique Duriez, Claude Jourde, Delphine Seyrig et Ioana Wieder.

 

Les Insoumuses

À partir de 1976, le néologisme Les Insoumuses est utilisé pour signer certaines bandes nées de la collaboration entre Carole Roussopoulos et Les Muses s’amusent.

 

Centre audiovisuel Simone de Beauvoir

Trois Insoumuses (Carole Roussopoulos, Delphine Seyrig et Ioana Wieder) fondent le Centre audiovisuel Simone de Beauvoir en 1982 à Paris, dont l’association Les Muses s’amusent est le support juridique. Après une période de fermeture de dix ans, le centre relance en 2003 ses activités de production, conservation et diffusion de documents audiovisuels concernant les femmes.


Repères chronologiques

  • Le Portapak de Sony, premier matériel vidéo portable composé d’une caméra et d’un magnétoscope, est lancé sur le marché américain en 1965 : c’est le début de la vidéo dite légère, dont s’emparent les milieux à la fois militants et artistiques. Son arrivée en France, coïncidant avec les événements de Mai 1968, ouvre la voie à un renouveau du cinéma d’intervention.
  • En janvier 1969, à la toute nouvelle université de Vincennes, Jean-Luc Godard invite les non-professionnels à s’emparer de la vidéo légère comme d’une « nouvelle arme de guérilla ». Avec Alain Jacquier, Chris Marker et Jean-Henri Roger, il inaugure le magazine vidéo de contre-information Vidéo 5 à la librairie Maspero, dans une lignée critique à l’égard des médias hégémoniques.
  • La manifestation du 26 août 1970 sous l’Arc de triomphe à Paris marque l’apparition du Mouvement de libération des femmes (MLF) sur la scène médiatique. Neuf femmes déposent une gerbe de fleurs dédiée à la mémoire de la femme du soldat inconnu et déploient des banderoles aux slogans emblématiques : « Il y a plus inconnu que le soldat inconnu, sa femme » et « Un homme sur deux est une femme ».
  • Ioana Wieder s’installe à Paris à la fin du mois de mai 1968, et s’engage avec son amie d’enfance Delphine Seyrig dans le MLF dès ses débuts en 1970. La parution de l’essai The Dialectic of Sex: The Case for Feminist Revolution (1970) de la féministe radicale Shulamith Firestone influence son parcours.
  • Encouragés par Jean Genet et sur les conseils de Patrick Prado, ami de l'écrivain, Carole et Paul Roussopoulos achètent un Portapak en 1970, et créent le collectif informel Vidéo Out. D’autres groupes vidéo, autonomes financièrement et politiquement, se forment dans ce même élan : Vidéo 00 (Michel Lefebvre et Yvonne Mignot-Lefebvre, en 1971), Les Cent Fleurs (Jean-Paul Fargier et Danielle Jaeggi, en 1973) et Vidéa (Anne-Marie Faure, Syn Guérin et Catherine Lahourcade, en 1974).
  • En septembre 1970, Carole et Paul Roussopoulos réalisent leur première vidéo, Hussein, le Néron d’Aman. Aujourd’hui perdue, cette bande est tournée dans des camps de réfugiés palestiniens bombardés au napalm par les troupes du roi Hussein de Jordanie. À la suite de sa diffusion, Paul et Carole Roussopoulos sont invités à donner des cours de vidéo aux Black Panthers et à d’autres groupes militants basés à Alger.
  • Carole et Paul Roussopoulos ont rencontré l’écrivain Jean Genet par le biais des réseaux de réfugiés politiques que fréquente Paul, exilé grec. Au printemps 1970, Genet se rend plusieurs mois aux États-Unis en soutien au mouvement des Black Panthers et y rencontre la militante féministe et anti-raciste Angela Davis. Quelques jours après l’arrestation de celle-ci le 13 octobre 1970, Vidéo Out filme la déclaration de l’écrivain français dans Genet parle d’Angela Davis.
  • En mars 1971, quatre femmes du MLF, Cathy Bernheim, Catherine Deudon, Suzanne Fenn, Annette Lévy-Willard et le pionnier américain de la vidéo légère Ned Burgess tournent collectivement Grève de femmes à Troyes, reportage sur une grève d’ouvrières avec occupation dans une usine de bonneterie. À son retour à Paris, le groupe rencontre Carole Roussopoulos aux Beaux-Arts, où se déroulent les assemblées générales du MLF et où se trouve le premier banc de montage vidéo. La vidéaste les aide à monter les images et elle rejoint alors le mouvement des femmes.
  • Chris Marker et Paul Roussopoulos montent la vidéo Congo Oye, écrite et tournée par les Black Panthers Eldridge Cleaver et Bill Stephens en République du Congo, au printemps 1971. Alors que les bancs de montage automatisés n’existent pas encore, Paul Roussopoulos met au point la technique du chronomètre pour un montage précis au dixième de seconde. La vidéo a longtemps été présumée perdue, puis une copie a été retrouvée à New York en 2013.
  • Le 11 mars 1971, les travailleurs de l’hebdomadaire Jeune Afrique se mettent en grève pour protester contre une campagne de licenciements. Contre l’avis de la Chambre syndicale typographique parisienne, cette lutte reçoit le soutien de nombreux professionnels des métiers du livre et du journalisme. Carole Roussopoulos, qui a été pigiste pour la revue, réalise la vidéo Grève à Jeune Afrique.
  • Delphine Seyrig soutient et signe le « Manifeste des 343 » paru le 5 avril 1971 dans Le Nouvel Observateur, dans lequel trois-cent-quarante-trois femmes déclarent avoir avorté et réclament la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG). En écho, trois-cent-trente-et-un médecins déclarent pratiquer ou favoriser des avortements dans un manifeste publié dans Le Monde des 4-5 février 1973.
  • Vidéo Out filme le défilé du 1er mai 1971 à Paris dans lequel apparaît pour la première fois un cortège homosexuel, puis des discussions animées à l’université de Vincennes suite à la diffusion de ces images lors d’un séminaire de philosophie. Document rare sur ce mouvement, Le F.H.A.R., Front homosexuel d’action révolutionnaire témoigne de l’acuité politique des Roussopoulos, attentifs à des luttes encore peu médiatisées.
  • Carole Roussopoulos filme la première grande manifestation féministe qui a lieu à Paris le 20 novembre 1971 à l’appel du MLF et réalise Y'a qu'à pas baiser (1973), document en faveur de l’avortement et de la contraception libres et gratuits. À cette occasion, elle filme un avortement illégal pratiqué selon la méthode par aspiration dite Karman, popularisée en France dans les années 1970. La rencontre initiale entre l’inventeur de cette technique et Pierre Jouannet, médecin du Groupe information santé (GIS), s’est déroulée chez Delphine Seyrig en présence d’une vingtaine de femmes du MLF.
  • Lors du procès de Bobigny à l’automne 1972, Delphine Seyrig intervient aux côtés de l’avocate Gisèle Halimi et d’un collectif pour défendre Marie-Claire Chevalier, jeune femme mineure accusée d’avortement illégal avec sa mère, parmi quatre autres femmes. Le 17 janvier 1975, l’entrée en vigueur de la loi Veil autorise pour la première fois en France l'IVG.
  • À partir de 1973, Carole Roussopoulos consacre une série de six vidéos aux luttes des travailleurs et travailleuses de l’usine de montres Lip, à Besançon. Après l’annonce d’un plan de licenciements par la direction, les salariés relancent la production : « C’est possible : on fabrique, on vend, on se paie ». Cette Chronique des Lip aborde aussi les discriminations vécues à l’usine, en particulier sexistes. La vidéo est ici envisagée comme un outil d’analyse politique, jouant un rôle à la fois « interne, catalyseur de conflits ou médiateur » (Anne-Marie Duguet) au sein même du groupe, et externe en apportant des informations complémentaires sur la lutte. 
  • Delphine Seyrig, son compagnon Sami Frey et Ioana Wieder réalisent en 1974 le diaporama Femmes au Viêtnam : un montage de diapositives accompagné d’un texte conçu par Nancy Dowd et Jane Fonda, lu par Delphine Seyrig. L’année suivante, Ioana Wieder traduit le livre d’Arlene Eisen Bergman, Femmes du Viêtnam publié aux éditions Des femmes.
  • Sollicitée par l’actrice Normal Bengell, Delphine Seyrig tourne sa première vidéo en 1974, Inês, pour dénoncer la torture de la militante brésilienne Inês Etienne Romeu, incarcérée à São Paulo en 1971. Cette œuvre met en scène les tortures subies par l’opposante politique sous la forme d’une performance. Elle fut à l’origine d’une campagne internationale de cartes postales exigeant la libération immédiate d’Inês.
  • Pour permettre à Claude Jourde de terminer son film argentique Les Enfants du gouvernement et disposer d’un cadre pour s’investir dans de nouveaux projets, Josée Constantin, Claire Delpech, Monique Duriez, Claude Jourde, Delphine Seyrig et Ioana Wieder créent en 1974 Les Muses s’amusent, une association Loi 1901.
  • Plusieurs groupes vidéo décident de créer, à l’automne 1974, le collectif de diffusion Mon œil, association Loi 1901, dont le nom est trouvé par Delphine Seyrig et la gestion confiée à un couple de retraités, militants, Marcque et Marcel Moiroud. La structure diffuse notamment les bandes de Vidéo Out et des Muses s’amusent.
  • Delphine Seyrig et Ioana Wieder rencontrent Carole Roussopoulos en 1974, lors d’un stage de formation à la vidéo légère à destination exclusive des femmes, organisé dans le local que Vidéo Out partage à Paris avec Hélène Châtelain et Armand Gatti, L’Épicerie. La vidéo est envisagée comme un outil privilégié d’émancipation et d’auto-représentation des femmes par elles-mêmes.
  • En 1975 et 1976, Delphine Seyrig tourne le documentaire Sois belle et tais-toi !, dans lequel elle mène des entretiens avec vingt-trois actrices françaises, américaines et québécoises sur leurs expériences professionnelles en tant que femmes. À l’automne 1975, la théoricienne féministe Laura Mulvey publie dans la revue Screen son célèbre article « Visual Pleasure and Narrative Cinema » autour de l’emprise du male gaze sur le corps des femmes dans le cinéma : un conditionnement issu d’une culture visuelle masculine hétéronormée.
  • Carole Roussopoulos, Delphine Seyrig et Ioana Wieder, accompagnées de la sociologue et féministe Nadja Ringart, réalisent en 1976 Maso et Miso vont en bateau, vidéo des Insoumuses à l’origine de cette nouvelle signature. L’œuvre est une réponse radicale et impertinente aux propos sexistes relevés dans une émission spéciale présentée par Bernard Pivot, diffusée sur Antenne 2 le 30 décembre 1975 à l’occasion de la fin de l’Année internationale de la femme décrétée par l’ONU, avec Françoise Giroud, alors Secrétaire d’État à la condition féminine. La bande se clôt par une formule paradigmatique : « Aucune image de la télévision ne veut ni ne peut nous refléter. C’est avec la vidéo que nous nous raconterons. »
  • S.C.U.M. Manifesto 1967 (1976) de Carole Roussopoulos et Delphine Seyrig met en scène une lecture d’extraits du pamphlet de Valerie Solanas, montés en contrepoint avec des images d’actualité de la télévision. Ayant appris l’existence de la bande, la féministe radicale américaine cherche à entrer en contact avec les vidéastes par l’intermédiaire de la réalisatrice Danielle Jaeggi, à qui elle adresse une série de cartes postales.
  • Dans Où est-ce qu’on se mai ?, Ioana Wieder et Delphine Seyrig filment le cortège féministe lors de la manifestation parisienne du 1er mai 1976, où émergent les mots d’ordre contre le viol, et s’attardent sur les pancartes et les slogans. Le lendemain, Ioana Wieder interroge des femmes à propos des agressions qu’elles ont subies de la part du syndicat CGT. Une affiche est créée à partir de photographies d’écran prises par Monique Duriez, en soutien aux mobilisations contre le viol, qui sera reconnu légalement comme crime en décembre 1980.
  • Dans la perspective du slogan des Américaines « Our Bodies, Ourselves », la réappropriation de leur corps par les femmes préoccupe intimement Ioana Wieder. Après avoir traduit en français l’ouvrage Vaginal Politics (1972) d’Ellen Frankfort, elle explore la question de l’accouchement et le rapport à la maternité dans le champ de la vidéo. Accouche ! est achevé en 1977, et fait l’objet d’une transcription intégrale dans le numéro 5 de la revue Questions féministes en février 1979.
  • En 1981, Anne-Marie Duguet publie aux éditions Hachette son ouvrage Vidéo, la mémoire au poing. Elle y retrace l’émergence et l’évolution de la vidéo légère en France, ses pratiques et usages sociaux alternatifs, les nouvelles écritures qui s’y inventent. Pour Anne-Marie Duguet, la vidéo a permis que des luttes engendrent « des productions récalcitrantes et irrespectueuses ». Un chapitre substantiel est consacré à la pratique autonome des femmes, vidéo et MLF y étant présentées comme des « sœurs jumelles ».
  • Avec le soutien du Ministère des droits de la femme d’Yvette Roudy, Carole Roussopoulos, Delphine Seyrig et Ioana Wieder fondent le Centre audiovisuel Simone de Beauvoir, qui ouvre ses portes à Paris en juin 1982. Le Centre a pour vocation de rassembler, produire et diffuser des documents audiovisuels autour de l'histoire des femmes, tout en favorisant leurs créations. Nadja Ringart rejoint le Conseil d’administration la même année.

En partenariat avec l'Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis et l’UMR LEGS

Paris 8 - logo Legs - logo

 

Avec la collaboration de Bobines plurielles et du Centre audiovisuel Simone de Beauvoir

 

Commissaires associés : Hélène Fleckinger, Julie Champion, Nicolas Ballet


L’espace des « Collections film, vidéo, son et œuvres numériques » est un lieu dédié au sein du Musée national d’art moderne à la présentation et à l’étude des œuvres de la collection film et de la collection nouveaux médias du Centre Pompidou.

En libre accès, deux postes de consultation permettent de consulter plus de 2 000 œuvres numérisées.

 

Une programmation régulière met en lumière une sélection d’œuvres et de documents à partir de la collection du Musée. Acquisitions récentes, lectures critiques et sujets d’actualité invitent à renouveler le regard sur les cultures analogiques et numériques de l’image et du son.

Voir sur le plan interactif