Exposition / Musée
Kollektsia ! Art contemporain en URSS et en Russie. 1950-2000
Un don majeur
14 sept. 2016 - 2 avril 2017
L'événement est terminé
À partir du 14 septembre 2016, le Centre Pompidou expose l’extraordinaire don de plus de deux cent cinquante œuvres soviétiques et russes contemporaines réunies avec le soutien exceptionnel de la Vladimir Potanin Foundation. Cet ensemble d’œuvres a pu être offert au Musée national d’art moderne grâce à la générosité de la Vladimir Potanin Foundation, des collectionneurs, des artistes et leurs familles. Inscrit dans une année 2016 placée sous le signe d’un hommage aux donateurs de tous horizons, ce projet rappelle l’importance cruciale de ces gestes engagés pour le développement des institutions patrimoniales. L’ensemble ainsi constitué, composé d’œuvres d’artistes majeurs, offre un panorama, sans prétention à l’exhaustivité, de quelques quarante années d’art contemporain en URSS puis en Russie, à travers les principaux mouvements qui les ont sillonnées.
La présentation donne à voir la richesse d’un art né en marge du cadre officiel. Dès la fin des années 1950, les artistes « non conformistes », à l’instar de Francisco Infante, Vladimir Yakovlev ou Yuri Zlotnikov, stimulés par les expositions internationales permises par la politique khrouchtchévienne de « dégel », renouent avec les pratiques esthétiques des avant-gardes russes, elles-mêmes sources d’inspiration pour tant d’artistes occidentaux. Ils cherchent à inventer leur propre langage plastique. En 1962, la fermeture par Khrouchtchev de la salle non conformiste incluse dans la fameuse exposition du Manège (Moscou), bannit pour plusieurs années de l’espace public toute expression artistique contraire à la doctrine du réalisme socialiste qui, à partir des années 1930, a mis fin aux expérimentations modernes en URSS.
Les années 1970 voient l’émergence de deux mouvements aux frontières poreuses. L’École conceptualiste moscovite prend une ampleur déterminante sous l’impulsion d’Ilya Kabakov, de Viktor Pivovarov, de Rimma et Valéry Gerlovin, suivis d’Andreï Monastyrsky et de Dmitri Prigov. Accordant une place prépondérante au langage, travaillant à la croisée de la poésie, de la performance et des arts visuels, ces artistes proposent dans la Moscou de la « Stagnation » un art conceptuel reflétant la primauté de la littérature dans la culture russe. Une seconde génération d’artistes rejoint la communauté conceptualiste à la fin des années 1970, comme le groupe Mukhomor, Yuri Albert, Mikhaïl Roshal, Viktor Skersis ou Vadim Zakharov.
Concomitant du conceptualisme moscovite, le Sots art, inventé par le duo Komar et Melamid, détourne dans une veine pop les codes de la propagande soviétique. À la différence des artistes pop, confrontés à la surabondance de biens de consommations, Alexandre Kosolapov, Boris Orlov ou Leonid Sokov démythologisent l’environnement idéologique de la société soviétique. Courant fécond dont certains des protagonistes émigrent dès les années 1970, le Sots art marque fortement l’esthétique des années de la perestroïka, animant l’œuvre de différents artistes à l’instar de Grisha Bruskin.
Au milieu des années 1980, l’avènement de la perestroïka provoque un véritable bouillonnement créatif, imprégné d’une culture underground, émanant de différents squats. Un fort pressentiment de liberté enivre alors les jeunes artistes : Sergei Anufriev, Andreï Filippov, Yuri Leiderman, Pavel Pepperstein ou le groupe Pertsy à Moscou, Sergei Bougaev-Afrika, Oleg Kotelnikov, Vladislav Mamyshev-Monroe ou Timur Novikov à Leningrad.
La fin de la décennie est marquée par la légitimation de cet art né dans les marges. Les mécanismes du marché de l’art, encore inexistant, commencent à se mettre en place : en 1988, une première vente aux enchères organisée par Sotheby’s à Moscou, donne une valeur tangible à l’art non officiel. Très rapidement, les frontières avec l’art officiel disparaissent. Une nouvelle génération d’artistes s’affirme, incluant AES+F, Dmitri Gutov, Valéry Koshlyakov ou Oleg Kulik. À partir des années 2000, l’art contemporain s’institutionnalise et intègre peu à peu la culture nationale.
Le Centre Pompidou tient à remercier la Vladimir Potanin Foundation. Il souhaite également rendre hommage à l’ensemble des donateurs, notamment Ekaterina et Vladimir Semenikhin et la Tsukanov Family Foundation, qui démontrent de façon exemplaire les vertus d’un effort collectif tendu vers les artistes et de leurs œuvres.
Actions collectives, AES+F (Tatiana Arzamasova, Lev Evzovich, Evgeny Svyatsky, Vladimir Fridkes), Yuri Albert, Sergei Anufriev, Yuri Avvakumov, Erik Bulatov, Grisha Bruskin, Sergei Bugaev-Afrika, Champions du monde, Ivan Chuikov, Mikhail Roshal-Fedorov, Andrei Filippov, Rimma and Valery Gerlovin, Georgy Gurianov, Dmitri Gutov, Andrei Iakhnin, Francisco Infante-Arana, Inspection « Herméneutique Médicale », Ilya et Emilia Kabakov, George Kiesewalter, Vitaly Komar & Alexander Melamid, Valery Koshlyakov, Alexander Kosolapov, Oleg Kotelnikov, Nikolai Kozlov, Oleg Kulik, Yuri Leiderman, Igor Makarevich et Elena Elaguina, Vladislav Mamyshev-Monroe, Boris Mikhailov, Sergei Mironenko, Vladimir Mironenko, Andrei Monastyrsky, Mukhomor, Vladimir Nemukhin, Timur Novikov, Boris Orlov, Pertsy, Pavel Pepperstein, Viktor Pivovarov, Alexandre Ponomarev, Dmitri Prigov, Oskar Rabin, Mikhail Roginsky, Andrei Roiter, Sergei Serp, Igor Shelkovski, Viktor Skersis, Leonid Sokov, Eduard Steinberg, SZ, Boris Turetsky, Sergei Volkov, Vladimir Yakovlev, Vladimir Yankilevsky, Evgeny Yufit, Vadim Zakharov, Yuri Zlotnikov, Konstantin Zvezdochetov, Larisa Zvezdochetova-Rezun.
Commissaire russe : Olga Sviblova / Commissaire français : Nicolas Liucci-Goutnikov
Quand
11h - 21h, tous les jours sauf mardis
Où
Entretien avec Oksana Oracheva, directrice générale de la Vladimir Potanin Foundation
Quelle est la mission de la Vladimir Potanin Foundation ?
Oksana Oracheva - Créée par l’entrepreneur Vladimir Potanine, cette fondation privée aide des professionnels de l’art et de la culture dans leur formation et œuvre à stimuler la philanthropie en Russie.
Que signifie ce projet exceptionnel avec le Centre Pompidou ?
OO - La fondation est heureuse de pouvoir contribuer à la constitution d’une collection d’art russe contemporain dans un musée aussi prestigieux : l’art en Russie doit pouvoir être représenté dans les grandes institutions internationales afin que le public puisse partout saisir ce qu’est aujourd’hui la Russie. De plus, l’acquisition de nouvelles œuvres est essentielle à la vitalité d’une collection, d’un musée. Nous avons vécu une expérience du même type en 2002 lorsque Vladimir Potanine a acquis pour le musée de l’Ermitage le célèbre Carré noir sur fond blanc de Kasimir Malevitch. Cette initiative a attiré d’autres donateurs et donné un nouvel élan à l’enrichissement des collections de l’Ermitage. Cette donation au Centre Pompidou est aussi un geste symbolique, qui, nous l’espérons, favorisera une représentation plus pertinente et plus dense de l’art contemporain russe en France et en Europe, en attirant éventuellement d’autres dons. C’est un projet unique, un vrai partenariat, des efforts conjugués… Les artistes qui offrent leurs œuvres et les collectionneurs prêts à se séparer d’une partie de leurs collections sont pleinement engagés dans ce projet crucial : permettre au public européen de percevoir une image de la Russie à travers la découverte de l’art de son temps.
Qu’espère la fondation de cette initiative ?
OO - L’art est un langage universel que chacun peut comprendre. À travers cette donation, nous ferons mieux connaître en Occident l’art contemporain en Russie et l’émergence d’une nouvelle philanthropie favorisera une évolution des pratiques dans le domaine des donations à l’échelle européenne.
Oksana Oracheva
Source :
in Code Couleur, n°26, septembre-décembre 2016, pp. 32-33
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