Etude d'arbres
[1915 - 1916]
Etude d'arbres
[1915 - 1916]
Domaine | Dessin |
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Technique | Fusain, estompe, graphite sur papier vergé |
Dimensions | 62,1 x 47,5 cm |
Acquisition | Achat, 1984 |
N° d'inventaire | AM 1984-41 |
Informations détaillées
Artiste |
Henri Matisse
(1869, France - 1954, France) |
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Titre principal | Etude d'arbres |
Titre attribué | Groupe d'arbres à L'Estaque |
Date de création | [1915 - 1916] |
Domaine | Dessin |
Technique | Fusain, estompe, graphite sur papier vergé |
Dimensions | 62,1 x 47,5 cm |
Inscriptions | B.G.au crayon : 377/31 |
Acquisition | Achat, 1984 |
Secteur de collection | Cabinet d'art graphique |
N° d'inventaire | AM 1984-41 |
Analyse
Ce dessin fut probablement exécuté lors du séjour que Matisse effectua dans le Midi durant l'hiver 1915. Une lettre qu'il adressait à Charles Camoin mentionne une étude qui pourrait être celle du MNAM : « J'ai commencé à l'Estaque un dessin d'arbres penchés, des pins, que je voudrais finir. Ces arbres, tu les connais peut-être, sont au bord, de l'autre côté de la route, dans la montée qui va au restaurant de la falaise. »1 Matisse, en résidence à Marseille, se rendit par deux fois jusqu'en ce haut lieu de la peinture, petit village de pêcheurs au nord de la ville où avaient travaillé Cézanne puis Braque2. Il considérait que la première œuvre cubiste y avait été peinte : « Autant qu'il m'en souvienne, c'est Braque qui fit le premier tableau cubiste. Il rapporta du Midi un paysage méditerranéen qui représentait un village au bord de la mer, vu d'en haut. Il y avait ainsi un vaste fond de mer et de ciel dans lequel il avait continué les toits du village, leur donnant les couleurs du ciel et de l'eau. »3 Le critique d'art Louis Vauxcelles attribue d'ailleurs à Matisse l'invention du mot cubisme utilisé par l'artiste pour décrire cette toile de Braque : « Il prend un bout de papier et dessine en trois secondes deux lignes ascendantes et convergentes entre lesquelles se trouvaient les petits cubes précités, figurant une Estaque de Georges Braque... »4. Cette notation montre que le nom du lieu s'était très tôt confondu avec l'idée même de la peinture : Vauxcelles ne dit pas « un paysage de l'Estaque » mais « une Estaque », c'est-à-dire une toile. Ainsi le pèlerinage de Matisse est-il une recherche sur les lieux originels du cubisme au moment où s'amorce pour certains peintres de ce mouvement un retour à la figuration. La période 1913-1917 est pour Matisse celle d'une interrogation insistante du système et du vocabulaire cubistes dont il assimile les principes constructifs sans pour autant s'embarrasser de ce qu'il considère comme une rhétorique formaliste due à une carence de la « vision »5.
Le Groupe d'arbres à l'Estaque témoigne de l'ambivalence critique de sa position. La trame fondée sur la répétition de la verticale figure dans la majeure partie des œuvres de cette période. En effet la verticalité par pan assure au tableau une stabilité optique et une dynamique de la lecture qui emprunte aux modes rythmiques du système décoratif. Ici basculé sur la gauche, le faisceau des troncs parallèles joue en contrepoint de la courbe tangente de la rampe et du rabattement contraire des branches hautes. Ces éléments graphiques s'affirment en termes d'axes, de forces, de directions, de masses et confèrent au dessin les qualités d'une composition abstraite. Seul l'intitulé Groupe d'arbres à l'Estaque vient rattacher l'œuvre à un contexte à la fois géographique et pictural. Évacuant détail et ressemblance, le dessin donne à lire la démarche matissienne opérant par schématisation et géométrisation. Cette méthode était déjà active dans les infrastructures graphiques de ses peintures du début du siècle comme l'observait alors Signac : « Il regarde longuement l'eucalyptus fleuri et verdoyant, aux branches multiples, qu'il a devant lui. Puis il cherche patiemment sur sa palette la couleur qui remplira les contours d'après les formes découvertes. Et de cet arbre chevelu, supprimant branches et feuillages, il fait un cylindre nu, ne ressemblant en rien à ce que la nature lui offrait. Mais lorsqu'on revoit l'œuvre plus tard, loin de la précaire réalité, elle manifeste une grandeur insoupçonnée. »6 Dans ce travail de contemplation et de traduction essentielle du motif, l'arbre constitue un sujet particulier dont Matisse, citant le proverbe chinois, dira : « Quand vous dessinez un arbre, ayez la sensation de monter avec lui »7. C'est ainsi qu'il faut comprendre la sorte d'émotion abstraite portée par la construction rigoureuse du dessin.
Anne Baldessari
Notes :
1. Danièle Giraudy, « Correspondance Henri Matisse, Charles Camoin », op. cit., p. 19.
2. Cf. Cézanne: L'Estaque à travers les pins, 1882-1883; L'Estaque aux toits rouges, 1883-1885; Le Golfe de Marseille vu de l'Estaque, 1885. Cf. aussi Braque: Route près de l'Estaque, 1908; Maison etarbre, 1908; La Forêt, l'Estaque, 1908.
3. « Matisse parle à Tériade », Henri Matisse, Écrits et propos sur l'art, édition établie par Dominique Fourcade, Paris, Hermann, 1972, pp. 119-121.
4. Louis Vauxcelles, préface au catalogue de l'exposition Les Fauves, l'atelier de Gustave Moreau(Paris, novembre 1934), in Dominique Fourcade, ibid., pp. 119-120, note 77.
5. Walter Pach (1939) cité par Dominique Fourcade, ibid., p. 121, note 79 : « J'appelle cela du matérialisme. Si votre homme voyait son sujet avec suffisamment de clarté et de force, il rendrait sa vision de telle sorte que le spectateur sentirait chaque élément la composant. Il ne s'embarrasserait pas de ces entrecroisements de lignes et de plans ».
6. Paul Signac, De Delacroix au néo-impressionnisme, Paris, Hermann, 1964, p. 163 (présentation de Françoise Cachin).
7. « Lettre à André Rouveyre sur le dessin de l'arbre », in Henri Matisse, Écrits et propos sur l'art, édition établie par Dominique Fourcade, Paris, Hermann, 1972, pp. 166-167.
Source :
Extrait du catalogue Œuvres de Matisse, catalogue établi par Isabelle Monod-Fontaine, Anne Baldassari et Claude Laugier, Paris, Éditions du Centre Pompidou, 1989
Bibliographie
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Matisse : Brisbane, Queensland Art Gallery, 29 mars-16 mai 1995 // Canberra, National Gallery of Australia, 27 mai-9 juillet 1995 // Melbourne, National Gallery of Victoria, 19 juillet-3 sept. 1995.- Brisbane, Queensland Art Gallery/Art Exhibitions Australia Limited, 1995 (édited by Caroline Turner and Roger Benjamin) (ill. n°73, reprod. p. 203) . N° isbn 0-7242-6378-0
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Matisse, la collection du Centre Georges Pompidou, Musée national d''art moderne : Lyon, Musée des Beaux-Arts, 2 avril-28 juin 1998. - Paris : éd. Centre Pompidou (sous la dir. de Claude Laugier, Isabelle Monod-Fontaine et Philippe Durey) (cit. et reprod. p. 34) . N° isbn 2-85850-946-8
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Matisse et l''arbre : Le Cateau-Cambrésis, Musée Matisse, 11 octobre 2003 - 11 janvier 2004. - Le Cateus-Cambrésis : Musée Matisse, 2003. (Cit. p. 39, reprod. p. 39) . N° isbn 2-85025-905-5
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Matisse. Drawing Life : Brisbane, Gallery of Modern Art, 3 décembre 2011-4 mars 2012.- Brisbane :The Queensland Art Gallery and Art Exhibitions Australia, 2011 (cat. n° 36, cit. et reprod. coul. p. 126, légende p. 333) . N° isbn 978-1-921503-30-6
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Henri Matisse. Le laboratoire intérieur : Lyon, Musée des Beaux-Arts de Lyon, 6 décembre 2016-6 mars 2017 [dossier de presse] (Cat. n°103, cit. p. 144, reprod. coul. p. 147, légende p. 147)
Henri Matisse. Le laboratoire intérieur : Lyon, Musée des Beaux-Arts, 2 décembre 2016-6 mars 2017.- Paris/Lyon : Hazan/Musée des Beaux-arts, 2016 (cat. n°103, cit. p. 144 et reprod. coul. p. 147) . N° isbn 978-2-7541-0976-5
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Matisse, comme un roman : Paris, Centre Pompidou, Musée national d''art moderne, 13 mai-31 août 2020. - Paris : éd. Centre Pompidou, 2020 (sous la dir. d''Aurélie Verdier) (reprod. coul. p. 103) . N° isbn 978-2-84426-872-3
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