Exposition / Musée
Les années 50
Quelques problèmes de l'art contemporain
30 juin - 17 oct. 1988
L'événement est terminé
L'exposition Les Années 50 entend proposer une nouvelle approche de cette période sur laquelle le travail de l'historien peut désormais commencer à s'exercer. Trop souvent la lecture de cette époque a été réduite à une opposition de mouvements ou de groupes, et en particulier à l'opposition entre l'Ecole de Paris et celle de New York. Cette manifestation souhaite montrer qu'au-delà de ces clivages historiques ou stylistiques existent de plus profondes relations formelles.
Ainsi autour de 1950, en peinture, les artistes européens comme américains utilisent souvent les seules ressources du noir et du blanc alors qu'à partir du milieu de la décennie vont se généraliser les recherches monochromes. Matisse et Picasso, figures de référence de l'après-guerre, introduisent à la première salle consacrée au noir et au blanc. Le caractère dramatique lié à ce contraste hors couleur rappelle de façon révélatrice le climat encore proche de la guerre et en marque en même temps le terme.
Cette réduction au noir et au blanc est une sorte de table rase sur laquelle va pouvoir se développer un nouveau mode d'abstraction qui, sous les noms d'abstraction lyrique, de tachisme ou d'art informel, sera l'un des aspects les plus spectaculaires de l'après-guerre. Une salle consacrée aux principaux créateurs de ce mouvement (Hartung, Mathieu, de Kooning, Franz Kline, etc.) montrera cet art du geste qui fait de la spontanéité la qualité première de l'oeuvre. Plutôt que de privilégier le signe, certains peintres, en particulier les artistes américains (Rothko, Morris Louis, Sam Francis, etc.) ont porté l'accent sur la couleur, mettant en évidence à la fois la qualité physique et son pouvoir de se transmuer en lumière.
A l'opposé de cette approche les peintres tels que Bram Van Velde, Estève, Poliakoff, et les peintres de l'Ecole de Paris (Bazaine, Manessier, Vieira da Silva, etc.) utilisent des structures issues du post-cubisme et des couleurs, où se marque l'influence de Matisse et de Bonnard. Cette exposition est l'occasion d'une réévaluation de leur apport.
Un ensemble des dernières oeuvres de Matisse et de Léger, confronté aux mobiles de Calder montrera comment se pose alors, la question de la forme colorée dans l'espace, problème qui sera traité également par les peintres abstraits-géométriques (Magnelli, Herbin, Sonia Delaunay, Ellsworth Kelly, Vasarely, Morellet, etc.) qui représentent, face à l'art informel, l'autre grand mouvement de l'abstraction dans les années 50. Ce sont ces recherches qui introduiront progressivement l'idée du mouvement, d'abord dans le film (avec Pillet, Robert Breer ou Raymond Hains), puis dans l'oeuvre même, marquant ainsi les débuts de la peinture cinétique (Pol Bury, Soto, Agam, Tinguely, etc.)
Si l'abstraction semble alors la forme d'expression de l'avant-garde, nombre de peintres non académiques, considèrent la figuration comme un mode d'expression privilégié. C'est par cette forme que s'exprime d'abord les considérations politiques des peintres. Des "Massacres en Corée" de Picasso aux "Partisans" de Fautrier, des oeuvres de Lam à celles de Matta, les peintres expriment leurs préocupations face à la guerre froide. D'autres artistes (Giacometti, Hélion, Morandi, Fernandez, etc.) reviennent au contraire à la figuration après avoir pratiqué eux-mêmes l'abstraction. Leur changement prend alors figure de manifeste, même s'il les maintiendra dans une position marginale par rapport à l'art dans leur époque. La figure est manifeste chez d'autres artistes sculpteurs comme César ou Germaine Richier, peintres comme Dubuffet, Bacon ou de Kooning. La violence d'expression, le souci de témoigner du monde qui les entoure a trouvé également une forme dans l'usage fait par les artistes de fragments et déchets de la réalité : des tableaux en toile de jute et vieux sacs d'Alberto Burri aux "Combines paintings" de Rauschenberg, des assemblages de Nevelson aux peintures en poudre de marbre de Tapiès. C'est le même sentiment de la présence que traduisent les oeuvres de Jorn, Alechinsky, Michaux ou les toiles figuratives de Jackson Pollock. Toutefois, ce n'est plus dans l'objet mais dans l'épaisseur même de la peinture que se matérialisent alors ces "émergences et résurgences".
La fin des années 50 est celle des contrastes. La peinture va vers son excès (Saura, Védova, etc.), ou au contraire vers une ascèse (Martin Barré, Twombly, etc.), qui aboutira à l'idée même d'oeuvre monochrome (Fontana, Yves Klein, Manzoni, etc.) à laquelle sera consacrée la dernière salle de l'exposition.
Plus que l'histoire, c'est des mécanismes de la création que cette exposition veut rendre compte, dans une période dominée par le conflit de l'art abstrait et de la figuration, mais où se profilaient déjà - de manière plus ou moins visibles - les concepts et les problèmes qui seront ceux des années 60 et 70. Limitée dans le nombre d'artistes présentés, mêlant volontairement artistes célèbres et méconnus, cette exposition, loin d'être un tableau d'honneur, se veut la première lecture active d'une époque et le point de départ d'une discussion pour en déterminer le réel visage.
Quand
tous les jours sauf mardis