Chimère
[1928]
Chimère
[1928]
Par son caractère composite et onirique, l'animal représenté ici s'impose comme un authentique emblème du surréalisme.
Se détachant sur un fond noir, lieu d'apparition du rêve, deux oiseaux se superposent, l'un silhouetté de bleu, l'autre puissamment modelé, figurant un aigle orgueilleux au torse féminin. Cette créature hermaphrodite à I' œil évidé peut passer pour un double fantasmatique de l'artiste, remplacée quelques années plus tard par la figure de Loplop. La peinture a fait partie de la collection d'André Breton qui s'en sert en 1933 pour illustrer la notion d'automatisme, au fondement de l'inspiration surréaliste.
Ámbito | Peinture |
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Técnica | Huile sur toile |
Medidas | 114 x 145,8 cm |
Adquisición | Achat, 1983 |
Inventario | AM 1983-47 |
En cartel:
Información detallada
Análisis
Par sa forme composite (lion par-devant, chèvre par le milieu, serpent par la queue, nous dit Homère) et son histoire, Chimère, le monstre mythologique, s’impose comme l’emblème tutélaire du surréalisme. L’animal fabuleux appartient à la descendance de Gaïa (la Terre). Son époque est celle des Titans, un temps antérieur à la division du ciel et de la Terre, celui d’un Chaos rendant possible la fusion des règnes et des espèces. Plus tard, bien plus tard, en souvenir de cet âge terrible, chimère, dans nos dictionnaires, qualifiera les fruits d’une « imagination vaine », les rêveries les plus extravagantes, les offenses au réalisme, aux lois de la raison. Gérard de Nerval dans la poésie, Odilon Redon dans les arts visuels associeront le souvenir de l’animal à leur imagination fantasque. Max Ernst ne pouvait qu’être sensible au mythe de Chimère. Il la savait liée originellement aux puissances telluriques, à ce principe d’un sol, d’une végétation dont la puissance fécondante valait mieux que toute l’inspiration des Muses ailées. Lorsqu’en 1925, un an après la publication du Manifeste du surréalisme , il cherche quelle réponse technique apporter à l’appel d’un art de l’automatisme lancé par André Breton, Ernst reprend la figure de cet aigle au torse féminin qui annonce Loplop, son double fantasmatique. Posant des feuilles de papier sur les lattes du plancher usagé d’un hôtel de Pornic, il en tire un monde de créatures hybrides, dans lesquelles s’entrelacent l’animal et le végétal. Les chimères de son Histoire naturelle (1956), titre du recueil de « planches » nées de ces « frottages », renouent avec le mythe d’un monstre composite qui doit tout à la Terre. Toutes les techniques par lesquelles le surréalisme tentera de donner forme à un imaginaire issu de l’automatisme produiront ses chimères (Cadavres exquis, écritures à deux mains…). Breton, qui savait ce que le surréalisme devait au monstre antique, garda jalousement dans l’antre de son atelier la Chimère de Max Ernst (cat. rais. II, n o 1300).
Didier Ottinger
Source :
Collection art moderne - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne , sous la direction de Brigitte Leal, Paris, Centre Pompidou, 2007