Ciò che sempre parla in silenzio è il corpo (Ce qui parle toujours en …
[1974]
Ciò che sempre parla in silenzio è il corpo
(Ce qui parle toujours en silence, c'est le corps)
[1974]
Ámbito | Dessin |
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Técnica | Mine graphite sur carton |
Medidas | 35,5 x 202,6 cm |
Adquisición | Achat, 1997 |
Inventario | AM 1997-57 |
Información detallada
Artista |
Alighiero e Boetti (Alighiero Boetti, dit)
(1940, Italie - 1994, Italie) |
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Título principal | Ciò che sempre parla in silenzio è il corpo (Ce qui parle toujours en silence, c'est le corps) |
Fecha de creación | [1974] |
Ámbito | Dessin |
Descripción | 2 éléments Ecriture simultanée de la main droite et de la main gauche |
Técnica | Mine graphite sur carton |
Medidas | 35,5 x 202,6 cm |
Inscripciones | Non daté. Inscr. et monogrammé au revers : ADESTRA - ASINISTRA // A E B (Droite - Gauche) |
Notas | Oeuvre accompagnée à titre documentaire de la bande vidéo du réalisateur Gerry Schum, Identifications, 1970. Ce film a été inventorié sous le n° d'inv. AM 2008-F6 |
Adquisición | Achat, 1997 |
Sector de colección | Cabinet d'art graphique |
Inventario | AM 1997-57 |
Análisis
Alighiero Boetti aura été le plus singulier et le plus insaisissable des acteurs de l’Arte povera (il était invité à l’exposition fondatrice « Arte Povera e Im-spazio » [« Art pauvre et Im[age]-espace »], organisée par Germano Celant en 1967 à la galerie La Bertesca, à Gênes). La grâce très particulière de son œuvre ne tient pas à l’unité formelle d’un style aisément repérable, mais à la constance d’une attitude dubitative face au monde – ce à quoi l’usage du support papier ou de l’objet en papier, fondamental dans sa démarche, répond parfaitement –, ainsi qu’à une imagination sans bornes quant aux multiples manières de mettre en question nos certitudes. Cette attitude se traduisit de façon exemplaire dans le choix, à partir de 1968, de signer ses œuvres Alighiero e Boetti, en séparant son prénom et son nom par une conjonction de coordination, manière de rappeler sobrement ce que nous savons depuis Rimbaud mais préférons oublier : « Je est un autre ».
Ciò che sempre parla in silenzio è il corpo est à replacer dans cette thématique de la dualité. L’œuvre se présente comme une longue bande de papier fort, sur la moitié droite de laquelle on peut lire aisément (en italien) la phrase : « Ce qui parle toujours en silence, c’est le corps » – la même phrase, mais à l’envers et tremblée, comme reflétée par un miroir légèrement déformant, se déployant sur la moitié gauche. L’artiste use simultanément de ses deux mains jusqu’à ce que l’écartement maximum de ses bras le force à s’interrompre, écrit ainsi dans un seul et même mouvement les mots et leur reflet inversé. Une séquence du célèbre film de Gerry Schum intitulé Identifications (le cinéaste préférait parler d’« exposition télévisuelle » pour cet opus produit par la Südwestfunk Baden-Baden en 1970) donne une idée de ce que l’exercice, apparemment anodin, exige de concentration et d’habileté : on y voit Alighiero e Boetti (le patronyme divisé s’impose là plus que jamais) écrivant de cette façon, à même le mur, la date du tournage (« jeudi 24 septembre 1970 »). Cette feuille d’écritures divergentes, qui est le résultat d’une performance, peut-elle être légitimement dite un dessin ? Une autre feuille un peu similaire, datant celle-là de 1968, Scrivere con la sinistra e disegnare, donne la réponse : « écrire de la main gauche », inscrit l’artiste de la main gauche, « c’est dessiner ». Une phrase comme « le corps parle toujours en silence » n’est qu’une autre manière de formuler la même réponse, tout en la mettant en pratique. Quelque chose du corps passe toujours dans une écriture, quelle qu’elle soit. Mais ce quelque chose vibrera d’autant plus que l’on aura imposé au corps de rompre avec ses habitudes : ainsi, d’écarter les bras pour dessiner, écartèlement qui donne au dessin sa dimension propre et sa direction contrariée, son écartèlement équitable : « La main droite écrit vers le Nord, la main gauche vers le Sud ». Et d’autant plus encore que l’on emploiera à l’écriture une main qui n’a pas appris à écrire. Ciò che sempre parla in silenzio è il corpo est une sorte de calligramme, lointainement extrapolé des jeux d’Apollinaire : une phrase y montre ce qu’elle dit, y dit ce qu’elle montre. Le dessin est présenté comme le double de la poésie, mais de l’autre côté du miroir : symétrique inverse, en même temps qu’inséparable jumeau.
Didier Semin
Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008