Ambiente spaziale. Etude

1949 est une date charnière pour Fontana : année de la publication du Secondo Manifesto Spaziale , dans lequel il exprime la volonté de concevoir son œuvre en relation avec l’environnement et le lieu ; date, aussi, de ses premiers Buchi [Trous], où la toile, le papier sont percés, et de ses premier néons. Développé à partir de 1947, le spatialisme qu’il défend implique une renonciation aux distinctions classiques entre peinture, sculpture et autres médiums, et l’ouverture de ceux-ci à l’espace. La toile ne sera plus simplement peinte mais trouée, fendue, découpée, constellée de pierres. La forme sculptée sera informe, monochrome, posée au sol, abstraite. La lumière servira de pinceau, le mouvement investira l’architecture. Ce sont autant de révolutions dont on peut suivre la mise en œuvre sur le papier. Le dessin subira les mêmes profondes remises en cause – du procédé de création à la forme finale – que la peinture et la sculpture. Aussi l’œuvre graphique de Fontana, prolifique (une quarantaine de dessins, de 1946 à 1966, dans la collection), est-elle soit témoin et soutien de l’avancement des œuvres peintes ou sculptées, soit domaine autonome dont l’artiste teste les limites ; et souvent les deux à la fois.

Dessin-projet, l’ Étude pour Trous (1949) remet en cause aussi les principes du dessin, en travaillant sur le rapport entre la surface de la feuille et une pointe. La pointe de l’instrument – un crayon ? – ne dessine plus : elle griffe, accroche, se traîne, perce le papier, le soulève, soit de manière continue sur une ligne de déchirure, soit de manière répétée en multipliant les percées. Fragilité de l’une contre dureté de l’autre, tension entre le très grand et le très petit, dynamique entre l’aléatoire et le dirigé : autant de problématiques trouvées dans la peinture et la sculpture, et que Fontana applique au dessin. De la même année, Ambiente spaziale révèle l’amplitude accordée aux possibilités de l’art graphique : l’encre vert-noir s’étend sur la feuille en déclinant trois cercles, du plus foncé au plus clair. Empilement ou évidement ? Jouant de cette ambiguïté, l’œuvre évoque l’espace sans le définir : une autre manière de répondre à l’impératif spatialiste – « ni peinture ni sculpture, pas de lignes délimitées dans l’espace mais continuité de l’espace dans la matière ».

Camille Morineau

Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008