Combinaison aléatoire de lignes indéterminées

À la suite de la rétrospective de Bernar Venet organisée en 1971 au New York Cultural Center, l’artiste, ayant achevé le programme fixé quatre ans plus tôt, cesse toute activité artistique et revient l’année suivante à Paris pour se consacrer, pendant cinq ans, à une réflexion théorique sur son œuvre et sur l’art en général. Se positionnant contre le danger de « réductivisme » présenté par les développements récents de l’art conceptuel, il adapte en 1976 son concept de « monosémie » à un regard formaliste. Le nouveau système de lecture unique qu’il propose n’appartient pas aux champs traditionnels de la figuration et de l’abstraction : il repose sur un signe élémentaire soit géométrique (angle, arc, ligne), soit aléatoire (comme dans la série des « Lignes indéterminées » à partir de 1979), qui définit désormais la forme de l’œuvre. Cette forme, où le thème de la ligne reste essentiel, est explorée par style (géométrique, lyrique, baroque) et par technique (peinture, dessin, sculpture en bois et en acier à partir de 1979). Le passage à la sculpture monumentale en 1983 lui vaudra de nombreuses commandes publiques. La série des « Combinaisons aléatoires de lignes indéterminées » présente des barres d’acier roulées, tordues, segmentées et posées librement, imbriquées les unes aux autres de manière à former un tas. L’absence de forme spécifique, la configuration, à chaque fois différente et conditionnée partiellement par la gravité, relèvent du même principe que celui des tas de gravier enduits de goudron aux formes modifiables réalisés en 1963 par l’artiste, qui aime à souligner, derrière la multiplicité apparente des techniques, la cohérence interne de son travail.

Christine Macel

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007