Sans titre
[1915]
Sans titre
[1915]
« Le cubisme introduisait dans ses collages le trompe-l'œil, tandis que moi, je construisais avec des papiers mes réalités plastiques.» (Arp)
Réfugié à Zurich en 1914, Jean Arp puise dans l'exil le sens d'une
quête d'absolu en art. Révolté avec Dada contre l'esthétique académique, symbole des valeurs bourgeoises ayant provoqué la guerre, il rejette la peinture à l'huile pour expérimenter le collage. Arp rêve d'un art élémentaire construit « avec des lignes, des surfaces, des formes et des couleurs qui cherchent à atteindre par-delà l'humain, l'infini et l'éternel ».
Ámbito | Dessin | Collage |
---|---|
Técnica | Carton, papiers et tissu collés sur carton |
Medidas | 28,5 x 23 cm |
Adquisición | Donation Louise et Michel Leiris, 1984 |
Inventario | AM 1984-484 |
Información detallada
Artista |
Jean Arp (Hans Arp, dit)
(1886, Allemagne - 1966, Suisse) |
---|---|
Título principal | Sans titre |
Fecha de creación | [1915] |
Ámbito | Dessin | Collage |
Técnica | Carton, papiers et tissu collés sur carton |
Medidas | 28,5 x 23 cm |
Inscripciones | Non signé, non daté |
Adquisición | Donation Louise et Michel Leiris, 1984 |
Sector de colección | Cabinet d'art graphique |
Inventario | AM 1984-484 |
Análisis
En novembre 1915, six mois après l’installation de Jean Arp à Zurich, la galerie Tanner lui consacre, ainsi qu’à ses amis, le couple hollandais Adya et Otto van Rees, une première exposition. Y figurent, à côté de dessins, bijoux et cartons de tapisseries, une série de collages qu’Arp a commencé à réaliser l’année précédente, quand il habitait encore à Paris, à quelques pas des peintres cubistes du Bateau-Lavoir. Sans en avoir la certitude, on peut penser que c’est à l’occasion de cette exposition zurichoise que Daniel-Henry Kahnweiler, le grand marchand et théoricien du cubisme, a acquis ce beau collage – l’unique œuvre d’Arp qui restera dans sa collection : une lettre du 19 novembre 1915 conservée dans les archives de Kahnweiler montre qu’Arp et van Rees avaient personnellement invité le galeriste, qu’ils savaient établi depuis décembre 1914 à Berne (il y rédigera « Der Kubismus », paru à Zurich en septembre 1916 dans le no 9 de la revue Die Weissen Blatter).
Cette composition ovale de morceaux de carton, papier peint et tissu se superposant à une partition musicale relève sans conteste du cubisme « synthétique ». Pourtant, Arp se défendra à plusieurs reprises de cette comparaison. Dans Jours effeuillés (Paris, Gallimard, 1966, p. 420 et 430-431), il affirme que, par leur composition en diagonale et leur mouvement, ses collages « s’orientaient plutôt vers les compositions futuristes que cubistes » et s’explique ainsi : « Mes collages étaient faits entièrement en papier, et n’étaient ni dessinés ni peints. Ils n’étaient pas spéculatifs, j’étais hanté par l’idée de faire une chose absolue. Le cubisme introduisait dans ses papiers collés le trompel’œil, tandis que moi, je construisais avec des papiers mes réalités plastiques ». Autre argument : « Ces collages étaient des constructions statiques, symétriques, des portiques de végétations pathétiques », autrement dit, ils marquent le début de ce qu’Arp nommera plus tard un « art concret » – un art anonyme qui ne copie plus la nature mais produit, telle « une plante qui produit un fruit » (« Art concret » [1944], ibid., p. 183).
Revendiqué également par les dadaïstes, qui, tel Huelsenbeck, rejettent toute imitation de la nature, ce déplacement romantique de la mimesis à la poïesis devient l’idée centrale de l’œuvre d’Arp et le conduit, en 1917, à l’adoption d’un nouveau style biomorphique, que l’artiste qualifie de « formes décisives ». Il précise : « À Ascona, je dessinais au pinceau et à l’encre de Chine des branches cassées, des racines, des herbes et des pierres que le lac avait rejetées au rivage. Finalement, je simplifiais ces formes et unissais leur essence dans des ovales mouvants, symboles de la métamorphose et du devenir des corps » (Jalons, ibid., p. 357). La grande encre de la collection, attribuée à l’année 1917, est un exemple majeur de cette nouvelle approche. Les méandres des lignes aux courbes sensuelles et le flottement des formes déchiquetées évoquent, au-delà du monde végétal, les cycles naturels de germination, de croissance, de pourrissement, de fructification et d’érosion. Les traces de crayon qu’Arp a laissées visibles sur sa feuille, comme sur nombre d’autres de l’époque Dada, révèlent le processus de sa création. Apparemment, il commence par des courbes déliées et irrégulières, rapidement tracées d’un geste libre et spontané, avant de combler les formes en étalant l’encre noire – ici épaisse, opaque – à l’aide d’un pinceau. La divergence entre l’encrage final et la première esquisse renforce l’idée d’une auto-genèse naturelle des formes. Gravés sur bois ou sur linoléum, des dessins de ce type vont illustrer les magazines Dada comme les recueils de poésie de Tzara et d’Arp.
Angela Lampe
Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008