La Toilette de Cathy
octobre 1933 - décembre 1933
La Toilette de Cathy
octobre 1933 - décembre 1933
Inspirée par Les Hauts de Hurlevent d'Emily Brontë, la composition entremêle réminiscences littéraires et autobiographiques.
Balthus transpose dans les personnages de Cathy et d'Heathcliff ses amours contrariées avec Antoinette de Watteville. L'irréalité qui se dégage de cette scène intime et en particulier du corps blanc de Cathy incite à voir dans le couple formé par la jeune femme et sa domestique un souvenir de la rumination mélancolique d'Heathcliff/Balthus. La toile est présentée en 1934 à la galerie Pierre, dans une exposition qui lance la carrière de Balthus et lui vaut des appréciations favorables, dont celles d'Antonin Artaud.
Ámbito | Peinture |
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Técnica | Huile sur toile |
Medidas | 165 x 150 cm |
Adquisición | Achat, 1977 |
Inventario | AM 1977-196 |
Información detallada
Artista |
Balthus (Balthasar Klossowski de Rola, dit)
(1908, France - 2001, Suisse) |
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Título principal | La Toilette de Cathy |
Fecha de creación | octobre 1933 - décembre 1933 |
Ámbito | Peinture |
Técnica | Huile sur toile |
Medidas | 165 x 150 cm |
Inscripciones | S.D.B.G. : Balthus 1933 |
Adquisición | Achat, 1977 |
Sector de colección | Arts Plastiques - Moderne |
Inventario | AM 1977-196 |
Análisis
La culture particulière de Balthus, plus anglaise et allemande que française, l’a très tôt mené vers l’œuvre enflammée, d’une violence abstraite et surréelle, qu’est cet unique roman écrit par Emily Brontë en 1847, Wuthering Heights [Les Hauts de Hurlevent]. Une traduction française contemporaine existait, parue en 1929, mais les quatorze dessins (dont l’un préfigure assez exactement la toile du Musée) exécutés par Balthus en 1933-1934 d’après certaines scènes du roman sont accompagnés de citations en anglais – preuve qu’il le lisait dans cette langue.
Il ne s’agit pas d’une simple prédilection littéraire : ce livre « où l’amour hurle dans une rage adulte », et tout pétri d’une « terrible nostalgie » (Albert Camus) a pour le jeune Balthus de secrètes références avec sa propre histoire – celle de ses amours contrariées avec Antoinette de Watteville, jeune aristocrate bernoise alors fiancée à un autre. Aussi la grande toile qu’il a peinte de début octobre à mi-décembre 1933 (cat. rais. n° P 74) est-elle autant, pour Balthus, un double portrait identifiant Antoinette à Cathy, et lui-même au sombrement mélancolique Heathcliff, que la représentation de leur inéluctable séparation. Il le formule distinctement dans une lettre à Antoinette datée du 24 janvier 1934 : « C’est, comme dans le livre (quoique ce ne soit pas une illustration), l’instant où deux êtres humains qui d’ailleurs n’en font qu’un et qui sont complémentaires l’un de l’autre, arrivent au carrefour de leurs destinées respectives et vont, comme deux astres qui ne se croisent dans leur course que tous les mille ans, reprendre la route qui les séparera pour décrire le cercle qui leur est imposé par le rythme universel et irremplaçable. Cathy est nue parce qu’elle est symbolique ; de plus, le groupe qu’elle forme avec sa bonne qui la coiffe est traité comme une vision, comme un souvenir évoqué par Heathcliff, qui au fond est assis seul dans la chambre. C’est donc déjà un événement passé » (coll. part.).
Tableau d’exorcisme, extrait des profondeurs les plus intimes, cette toile fut pourtant très vite rendue publique : dès février 1934, elle est choisie par Tériade pour accompagner son article « Aspects actuels de l’expression plastique » dans le n° 5 de Minotaure. Elle figure juste après dans l’exposition organisée par Pierre Loeb, à la galerie Pierre, du 13 au 28 avril 1934, qui « lance » d’un coup le jeune peintre en attirant l’attention de quelques écrivains et artistes.
L’insolite et monumental format presque carré, l’étrange suspens des personnages, certes reconnaissables (le visage d’Antoinette est un véritable portrait), mais déplacés dans un ailleurs mystérieux, le décor scrupuleusement banal, l’ascèse d’une couleur peu séduisante retiennent déjà le regard de quelques-uns, tout en choquant la plupart des visiteurs. Parmi eux, Antonin Artaud, qui a immédiatement discerné, avec les termes les plus justes, la singularité « révolutionnaire » de la peinture de Balthus, « par-delà la révolution surréaliste, par-delà les formes de l’académisme classique », pour rejoindre « une sorte de mystérieuse tradition » (La Nouvelle Revue française, n° 248, mai 1934).
Isabelle Monod-Fontaine
Source :
Extrait du catalogue Collection art moderne - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne , sous la direction de Brigitte Leal, Paris, Centre Pompidou, 2007