A Maiakovski

Composé de divers éléments empruntés à l’histoire de l’art, A Maiakovski illustre parfaitement le travail engagé du collectif d’artistes espagnols Equipo Crónica. Le groupe est fondé en 1964 à Valence, foyer du pop art espagnol qui se distingue par sa posture critique vis-à-vis de la société de consommation et des répressions du régime franquiste. Cette œuvre rend hommage au poète futuriste russe, Vladimir Maïakovski, symbole d’une poésie militante révolutionnaire, dont le destin tragique face à l’échec des idéaux de la Révolution russe remet en cause le rapport complexe entre art et idéologie. Au service d’une exploration de la « dimension pragmatique du signifié » (Tomàs Llorens et Valeriano Bozal) et d’une volonté de susciter une distanciation critique directement inspirée du théâtre de Bertolt Brecht, l’œuvre d’Equipo Crónica se résume à une seule question : que peut l’art ? A Maiakovski témoigne des recherches du groupe sur les pouvoirs de la communication visuelle à travers un savant mélange de références (Umberto Boccioni, El Lissitzky, Marcel Duchamp, Jean Hélion ou George Grosz) agencées au sein d’une mise en page efficace jouant sur la dynamique de la composition des formes et les contrastes des couleurs. En réactivant les relations tardives entre l’Espagne et l’avant-garde internationale, cette œuvre interroge la dimension arbitraire des récits historiques et plus particulièrement celle de l’autorité de l’histoire de l’art d’avant-garde sur notre mémoire collective.

Florence Ostende

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007