Exposición / Museo
Max Ernst, Rétrospective
28 nov 1991 - 27 ene 1992
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Cette rétrospective de l’œuvre du peintre et sculpteur allemand Max Ernst (1891-1976) est organisée à l'occasion du centième anniversaire de sa naissance, et a pour ambition de montrer comment cette œuvre, totalement singulière dans son époque, a apporté avant tout une réponse neuve aux vieilles questions de la pratique artistique.
Max Ernst compte aujourd’hui parmi les génies du XXe siècle, non seulement par la dimension particulière qu’il a donnée aux techniques du collage et du frottage, mais bien surtout parce qu’il est le seul à pratiquer ainsi, grâce à elles, ce jeu d’association d’éléments d’une figuration saugrenue « incompréhensible », délicate, raffinée, surprenante, révélant de la sorte ce qu’il nommait nomme lui-même une « succession hallucinante d’images contradictoires ». Cette poétique de l’image et du titre, l’une illustrant l’autre, l’autre révélant l’une, n’a en effet aucun équivalent poétique au XXe siècle, dans ce qu’elle nous offre de spécifiquement merveilleux.
L’œuvre de Max Ernst est polymorphe.
Devant des bizarreries comme L’éléphant des Célèbres, L’anatomie de la mariée, Histoire naturelle, La femme 100 têtes, Aux antipodes du paysage, chacun sent bien que nous avons à faire à une œuvre qui, à notre besoin d’harmonie, oppose une formidable énergie centrifuge. Que voyons-nous d’emblée ? Un art qui résiste fortement au regard, à l’attrait sensualiste pour la « peinture-peinture », et aussi à l’intellect. C’est irritant, et contraire à une séduction facile. D’entrée de jeu s’imposent déjà comme uniques certitudes, l’énigme des messages et les obstacles dressés par l’artiste contre toute interprétation.
On est surpris de passer sans cesse d’images microscopiques, marquées par l’humour et l’introspection, à d’impressionnantes visions monumentales. On sent qu’il ne s’agit pas là seulement de mythologies personnelles ou de cauchemars passagers. Notre réaction même le prouve : là-derrière se dissimulent des expériences collectives. Ce sont elles que Max Ernst a traduites dans les environnements étouffants des œuvres dadaïstes, les hordes, les forêts, les villes entières, l’inquiétant scénario du roman-collage Une semaine de bonté, Les jardins gobe-avions, L’ange du foyer, L’Europe après la pluie ou encore La nuit rhénane. Ces tableaux représentent manifestement tout ce que peut offrir une « peinture d’histoire » au XXe siècle, centrée sur les manifestations de l’angoisse et de la destruction. Il n’y a sans doute que chez Max Beckmann ou dans le Guernica de Picasso que l’on voit s’exprimer avec autant de force la panique et le désarroi de l’homme moderne. […]
Par ailleurs, on rencontre sans cesse des œuvres plus harmonieuses, plus gaies, où le deuil et l’horreur cèdent la place à une joie véritablement cosmique. En témoignent Chapeau à la main, chapeau sur la tête, Paris-Rêve, Colombes bleues et roses, Fleurs de neige, La nymphe Echo ou Colline inspirée, mais aussi plus tard Mundus est fabula, Le monde des naïfs et Le ciel épouse la terre.
Dans cet univers pictural, tout s’entrecroise et s’interpénètre, de telle sorte qu’à chaque instant le jour peut basculer dans la nuit, et l’allégresse dans la consternation. C’est exactement ce que nous dit Max Ernst dans La nudité de la femme est plus sage que l’enseignement du philosophe : « De l’âge de l’angoisse à l’enfance de l’art, il n’y a qu’un demi-tour à exécuter par la grande roue orthochromatique. Du massacre des innocents à la traversée du miroir, il n’y a que l’intervalle d’une nuit claire. »
Cauchemar et libération, voilà ce que nous offre Max Ernst dans une production artistique qui s’étend sur près de soixante- dix ans.
D’après Dominique Bozo et Werner Spies, catalogue de l'exposition
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