Cine / video
Les Noms du Christ
12 may 2013
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En 2011, Albert Serra a reçu carte blanche du Musée d'art contemporain de Barcelone (Macba), pour développer une série télévisée à l'occasion d'une exposition. Son projet, composé de 14 parties présentées ici en une seule entité, porte sur la complexité à trouver des financements pour les «films difficiles» et présente des parallèles entre l'ascétisme religieux et la création d'art.
BAUÇÁ
d’Albert Serra
Espagne, 2009, vidéo, 6’, coul., muet
Variations chromatiques sur la Symphonie
Suivi de
LES NOMS DU CHRIST
ELS NOMS DE CRIST
d’Albert Serra
Avec Román Bavarri, Nanu Ferrari, Jordi Pau, Albert Serra
En 2011, Albert Serra a reçu carte blanche du Musée d’art contemporain de Barcelone (Macba), pour développer une série télévisée à l’occasion d’une exposition. Son projet, composé de 14 parties présentées ici en une seule entité, porte sur la complexité à trouver des financements pour les «films difficiles» et présente des parallèles entre l’ascétisme religieux et la création d’art. Serra y aborde également le défi du processus de traduction, de la littérature au film, du film au musée et du musée à la télévision, et en cela, la série pourrait résumer l’intégralité de son travail à ce jour. Les Noms du Christ est par ailleurs inspiré par le poète et écrivain espagnol Fray Luis de Leon (1528-1591).
Une série à suivre comme un chemin de croix.
14 épisodes comme les 14 stations de la commémoration de la Passion. Les stigmates des pieds du Christ, un dos ensanglanté, les larmes d'une madone…
Un détail sur des figures pieuses en bois ou en résine ouvre chacun d'entre eux, jusqu'à ce que la scène finale soit révélée dans son ensemble de façon ludique, à la fois sacrée et profane. Comme dans toute bonne série, il faudra attendre la fin.
C'est pourtant moins l’intrigue de la série qui intéresse Serra, puisqu'il en déplace le suspense dans la possibilité de mettre patiemment bout à bout chaque premier plan, que sa structure et les possibilités de jeux qu'elle offre.
Les Noms du Christ, créée dans le cadre de l'exposition « Etes-vous prêts pour la télévision» qu'organise le Macba en 2011, s'inspire de l'œuvre de Frère Luis de León dans laquelle trois amis fictifs répertorient les 14 noms du Christ (dévoilés successivement par les titres des épisodes) lors de promenades dans la campagne espagnole du XVI°siècle. Serra ne garde à nouveau que la structure de l'œuvre et la rejoue dans le Macba avec de nouveaux trios formés par ses amis (Montse Triola, Román Bayarri, Lluís Serrat Massanellas entre autres) et lui-même, autour de discussions sur les financements d'un projet.
Dans le musée filmé avec distance et humour comme un Temple, les dialogues et les voix frisent les chuchotements et l'extinction. Les corps sont en communion aux pieds des œuvres ou dans les couloirs, presque toujours inertes, si bien que les véritables cheminements sont ceux des images, des lectures, des citations, libérés de tout carcan.
Pour faire face à la contrainte de filmer en intérieur, faire face au risque de l'épuisement du visible, des cadres audacieux découpent peu à peu l'espace muséal de façon kaléidoscopique, presque clinique, et le fissurent: de nombreux extraits de films, portraits intimes, escapades dans le paysage catalan, rushes des précédents longs métrages érigés en véritables remplois s'infiltrent alors dans les brèches ouvertes.
Un simple raccord comme un hiatus permet de passer de l'un à l'autre, ou de prolonger l'un dans l'autre, à l'image de la scène finale de Duel au soleil de KingVidor - montée avec la voix de Montse Triola en off - qui se poursuit finalement...au milieu d'un maquis catalan.
La véritable souffrance serait alors celle d'une image-martyr, que la télévision falsifie, démultiplie et normalise. Sensible à ses cris, Serra la restitue ici, originelle, influente, gracieuse, devant laquelle on peut se recueillir, mais qui se suffit à elle-même.
On est proche dans ces réseaux d'images d'un collage où la troisième dimension n'est plus plastique mais est celle de la mémoire, qui défie la platitude du numérique en lui redonnant une profondeur poétique.
Une profondeur invisible pour l'œil mais visible pour les âmes. « Imaginez...la série du futur pourrait être celle de la liberté de la poésie, sans aucune action visuelle... Ce serait bien non? » Voilà ce que Serra proposait au cours d’une interview."
Charlotte Serrand, Le Point tendu (Mémoire sur Albert Serra et Andergraun dirigé par Nicole Brenez).
Séance présentée par Albert Serra
Quando
Desde 15:00