Cine / video
Oh ! Uomo
05 nov 2015
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Oh ! Uomo
de Yervant Gianikian & Angela Ricci Lucchi
Italie, 2004, 71’, coul., mus. et voix-over (Giovanna Marini, Luis Agudo), intertitres italiens stf
Format d’origine et de projection : 35 mm
Film sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs, 2004
Dans ce dernier opus de la trilogie de la guerre, le champ de bataille reste hors-champs : le film envisage les conséquences du conflit, du retour des soldats au devenir de leurs enfants. Pour partir à la recherche des traces laissées par la guerre, les deux cinéastes ont parcouru pendant deux ans des archives conservées dans toute l’Europe, jusqu’en Russie. Certaines images les choquent alors : le canon qui était tiré dans Sur les cimes... devient une attraction touristique pour skieurs. La neige qu’ils balaient derrière eux, en négatif, reproduit les explosions, devient de la poudre. Les images sont de plus en plus tranchantes : le regard accusateur et terriblement conscient des enfants sous-alimentés ou les corps ravagés des « gueules cassées » dévisagées par un objectif scientifique et médical. Comme le demande Léonard de Vinci, comme Grosz et Goya l’ont fait, la « caméra analytique » ose approcher les corps, les visages et les situations. Les images et la voix de Giovanna Mariani donnent alors chair à l’horreur de ce siècle. La satisfaction d’être vivant et de retrouver un membre perdu sur le champ de bataille devient le signe dérisoire du progrès, alors même que l’homme et ses inventions ont créé des monstres. Les images, de nature parfois publicitaires, vantent une certaine utopie de l’homme moderne vu comme un homme-machine. Si ce spectacle est angoissant, n’est-il pas pourtant en train de se jouer à nos portes ? Gianikian et Ricci Lucchi précisent : « Nous fouillons à l’aveugle dans les photogrammes, oppressés par les lueurs sinistres de ce qui arrive dans le monde. »
« Pourquoi celui-là est-il leur plus beau film depuis l’opus sommital Du Pôle à l’Équateur (1987) ? D’abord parce qu’il donne son prolongement aux recherches menées depuis 1995 sur l’homme en tant que catastrophique animal de guerre. Mais pas seulement : passé une demi-heure en funambule à traquer l’inconscient de l’Italie mussolinienne des années trente, avec ses rêves de château en Ethiopie, Oh ! Uomo se met à regarder l’homme dans le fond de l’œil. »
Phillippe Azoury, « Oh ! Uomo, l’œil scalpel », Libération, 22 mai 2004
Quando
20:00 - 21:30