William Klein, l'œil uppercut
Photographe, cinéaste, graphiste, peintre : les qualificatifs pleuvent lorsqu'il s'agit de désigner William Klein, disparu le 10 septembre 2022 à 96 ans à Paris, sa ville d’adoption. Si Klein est aujourd'hui avant tout reconnu comme photographe, il s'est toujours attaché à brouiller les cartes : tour à tour peintre, photographe (à partir de 1952, date de ses premiers travaux abstraits), puis cinéaste (à partir de 1958), Klein n'a cessé de défier les étiquettes et de tenter de mettre au point de « nouveaux objets visuels », à la frontière de la photographie, du cinéma et de la peinture.
Tour à tour peintre, photographe, puis cinéaste, William Klein n'a cessé de défier les étiquettes et de tenter de mettre au point de « nouveaux objets visuels », à la frontière de la photographie, du cinéma et de la peinture.
Ses références culturelles nombreuses et très diverses, de la peinture du Quattrocento à la bande dessinée, du Bauhaus à Dada se retrouvent dans les genres nombreux qu'il a abordés en un style clairement identifiable dont le cinéaste Chris Marker disait qu'« il découpe la réalité en Klein comme Van Gogh la découpait en Van Gogh ». Un style qui atteste son goût pour une image brutale et heurtée et dont l'esthétique a très durablement influencé les générations suivantes.
C’est par la peinture que William Klein, né à New York en 1926, vient à la photographie. Après la Seconde Guerre mondiale, Klein, démobilisé, s’installe à Paris où il obtient une bourse. D’abord élève du peintre cubiste André Lhote, il se forme ensuite dans l’atelier de Fernand Léger. Puis il se met à la photo. La radicalité de ses premières images, influencées par l’abstraction, séduisent le directeur artistique du prestigieux Vogue américain, Alexander Lieberman (qui fit aussi travailler Lee Miller et Irving Penn, ndlr). Il signe un contrat avec le magazine en 1954. Klein quitte alors Paris pour revenir dans sa ville natale, armé d’un appareil photo acheté à… Henri Cartier-Bresson. Il arpente Manhattan, documente la rue, lui qui vient des quartiers pauvres de la ville. Autodidacte, il emploie le grand angle, le flou, les contrastes, teste des cadrages inhabituels.
Pour Julie Jones, conservatrice au cabinet de la photographie du Musée « Klein photographie la violence de la rue d’une manière rythmée, inspirée par le jazz. Son travail sur les contrastes, très marqués, et sur le flou est très nouveau pour l’époque ». En 1956, son premier livre, Life is Good and Good For You in New York: Trance Witness Revels, est publié à Paris par le cinéaste Chris Marker, alors directeur de collection au Seuil.
William Klein photographie la violence de la rue d’une manière rythmée, inspirée par le jazz. Son travail sur les contrastes, très marqués, et sur le flou est très nouveau pour l’époque.
Julie Jones, conservatrice au cabinet de la photographie
Radical dans ses images comme dans sa maquette, teinté d’anti-américanisme, le livre ne trouvera pas d’éditeur aux États-Unis. Mais son retentissement est grand en Europe. Pour Julie Jones, « avec sa mise en page brute, il y a dans le livre l’idée de rompre avec une forme de sacralisation de la photographie ». Les années 1960 offrent à Klein la mode comme terrain d’expérimentation. En 1966, il en parodie les coulisses dans le film Qui êtes-vous, Polly Maggoo ?, avec notamment Sami Frey et Delphine Seyrig.
En 2005, l'exposition rétrospective que lui consacre le Centre Pompidou mêle travaux anciens et contemporains — photographies, maquettes de livres, extraits de films, peintures, dessins, affiches — à partir des archives personnelles de l'artiste. William Klein lui-même participe activement à l'élaboration de cette exposition, préparant de nouveaux montages à partir d'extraits de ses plus fameux films comme Qui êtes-vous Polly Magoo ? mais aussi Muhammad Ali, the Greatest (1974) ou Mr. Freedom (1967-68). L'exposition proposait un regard rétrospectif sur son œuvre, en confrontant photographies anciennes et récentes, maquettes de livres, extraits de films, peintures, dessins, affiches, sélectionnés en majeure partie dans les archives personnelles. Ses célèbres images de mode, ses travaux graphiques, et ses « Contacts peints », pratique plus récente dans son travail, dont une série de très grande dimension a été spécialement produite par le Centre Pompidou pour cette exposition. Julie Jones : « Klein était très attentif à la présentation des images. Il avait retravaillé sous forme de grands wallpapers des images réalisées dans les années 1950, ce n’était pas quelqu’un de nostalgique. » ◼
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© William Klein, Visages blancs, Opéra, Paris, 1960 (détail)
© Centre Pompidou, Mnam-Cci /Dist. Rmn-Gp