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Le Centre Pompidou &... Werner Herzog

Figure incontournable du nouveau cinéma allemand, Werner Herzog a construit une œuvre dense, hétéroclite, voyageuse, composée de plus de quatre-vingt films. Après une rétrospective intégrale donnée fin 2008, le Centre Pompidou présente ces jours-ci les films et documentaires du cinéaste produits depuis les années 2010. Entretien exclusif avec un géant.

± 4 min

Cinéaste de la démesure, Werner Herzog a construit une œuvre dense, hétéroclite, voyageuse, en un mot passionnante, commencée au milieu des années 1960 et composée de plus de quatre-vingt films. Né en 1942, le cinéaste allemand a grandi dans les montagnes isolées de Haute Bavière avant de partir pour l'Égypte puis le Soudan, et de réaliser son premier court métrage, à l'âge de 19 ans. Dès ses premiers films, il affirme l'essence de son travail. Refusant de se laisser enfermer dans la dichotomie entre fiction et documentaire, il est en quête perpétuelle d'une « vérité au-delà des faits et bien plus profonde que les faits ».

 

Refusant de se laisser enfermer dans la dichotomie entre fiction et documentaire, Werner Herzog est en quête perpétuelle d'une « vérité au-delà des faits et bien plus profonde que les faits ».

 

De son Allemagne natale à la jungle amazonienne, de l'immensité des déserts de sable aux horizons glacés des pôles, l'infatigable voyageur Herzog traque dans l'ailleurs la dimension épique dont seront empreints les films qui l'érigeront en pionnier du renouveau du cinéma allemand des années 1970, L'Énigme de Kaspar Hauser, et Aguirre, la colère de Dieu, notamment. Son goût de l'extrême le pousse à des situations de tournage et à des rencontres toujours plus inouïes, dont celle avec l'acteur Klaus Kinski culminera dans Fitzcarraldo (1983). Depuis le milieu des années 1980, le cinéaste, moins exposé médiatiquement, n'a jamais cessé de rechercher, à travers l'image, le supplément immatériel de la vie.  

 

En 2009, le Centre Pompidou consacrait à l’œuvre unique de Werner Herzog une rétrospective intégrale en cinquante-cinq films. Cette année, une nouvelle invitation au maître du cinéma allemand contemporain est l’occasion de poursuivre avec des films, fictions et documentaires, qu’il a réalisés depuis. Sont montrés : La Grotte des rêves perdus (2010), Bad Lieutenant : Escale à La Nouvelle-Orléans (2010), Dans l’œil d’un tueur (2009), Into the Abyss (2011), Rendez-vous avec Gorbatchev (2018), Le Nomade : sur les traces de Bruce Chatwin (2019) et, en avant-première de sa sortie en salle le 18 décembre 2024, le nouveau film d’Herzog, Au cœur des volcans : Requiem pour Katia et Maurice Krafft (2022). Le cinéaste évoque ici ses souvenirs liés au Centre Pompidou. 

« La rétrospective de mon travail donnée par le Centre Pompidou fin 2008 a été un moment très vivant. Le public était jeune, c’était étonnant. Certains ignoraient quand même que j’avais réalisé plus de vingt films depuis Fitzcarraldo… Peu de temps avant ma rétrospective, il y avait eu celle consacrée à Jean-Luc Godard, et on m’a rapporté que le public était alors plutôt dans la tranche d’âge de Godard lui-même… Moi, je n’ai pas envie de faire une rétrospective pour des petits vieux et des petites vieilles. Je suis curieux de revoir Paris, et de voir comment le public a changé. Ces quinze dernières années, tout est allé très vite, avec le grand basculement vers les plateformes de streaming. 

 

Revenir sur mon travail ne me traverse même pas l’esprit. Prendre ma retraite non plus d’ailleurs.

Werner Herzog

 

L’idée d’une rétrospective ne me dérange pas, même si je ne regarde jamais en arrière — ni dans la vie, ni dans mes films. Je ne fais pas partie de ceux qui aiment revisiter leurs films. Je ne les revois d’ailleurs jamais, ou très rarement, et seulement pour des raisons précises. Revenir sur mon travail ne me traverse même pas l’esprit. Prendre ma retraite non plus d’ailleurs. Ces quinze dernières années, j’ai fait plus de vingt films, et je viens tout récemment de terminer le tournage deThe Ghost Elephants

 

Je suis heureux de revenir au Centre Pompidou, un lieu si particulier. Je me souviens de son inauguration, à l'époque c'était d'une nouveauté absolue. J’étais ébahi, c'était unique, et d'une telle évidence. Je suis assez ému de venir y présenter la séance de La Grotte des rêves perdus (le 12 décembre prochain, ndlr). Ce sera le trentième anniversaire, quasiment jour pour jour, de la découverte de la grotte (en Ardèche, ndlr). Je suis aussi particulièrement curieux de montrer mon nouveau documentaire Au cœur des volcans : Requiem pour Katia et Maurice Krafft (2022). Comme vous le savez, Katia et Maurice Krafft étaient deux volcanologues français, par ailleurs cinéastes. Tous deux ont perdu la vie en faisant leur travail en 1991, lors d’une éruption sur le Mont Unzen au Japon, mais ils nous ont laissé des images d’archives d’une beauté et d’une intensité sans précédent.

 

Je viens au Centre Pompidou pour célébrer le cinéma.

Werner Herzog

 

J’ai toujours été fasciné par les volcans. Dans les années 1970, j’ai réalisé un film en Guadeloupe, sur la Soufrière (La Soufrière, 1977, ndlr), et puis j’ai fait Au fin fond de la fournaise, un documentaire avec le volcanologue Clive Oppenheimer (2016). Ce n’est pas la géologie qui me fascine, mais bien la qualité cinématographique des volcans. Plus qu’une célébration du travail des Krafft, ce film est surtout une célébration du cinéma lui-même. Je viens au Centre Pompidou pour célébrer le cinéma. Pourtant, je crois que ce sont mes écrits, mes livres, mes poèmes qui me survivront (ses mémoires, intitulées Chacun pour soi et Dieu contre tous viennent de paraître chez Séguier, ndlr). Cela prendra le temps qu'il faut, peut-être vingt ou cinquante ans, mais cela m’est égal. ◼