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Le Centre Pompidou &... Roberto Rossellini

En 1977, le maître du néoréalisme italien consacrait un film-document au Centre Pompidou, fraîchement inauguré. Tourné à peine quelques mois avant la mort de Roberto Rossellini, Beaubourg, centre d'art et de culture, est présenté lors d'une séance spéciale, dans le cadre du Laboratoire d’histoire permanente imaginé par l'historien Antoine de Baecque. Un véritable document sociologique doublé d'une leçon de cinéma. Présentation.

± 6 min

« Maman, ces tuyaux ça sert à quoi ? » ; « Roger, pourquoi t’as pas ça dans ton garage ? » ; « On dirait du Mickey Mouse ! » ; « C’est énorme, c’est majestueux, c’est génial ! » : ainsi parlent les premiers visiteurs à découvrir le tout nouveau Centre Pompidou. Bacon, Dalì, Braque, Kandinsky, De Chirico, la collection est déjà somptueuse… Leurs réactions, amusées ou sceptiques, sont captées par la caméra discrète de Roberto Rossellini. Nous sommes en 1977. Les enfants portent des pantalons pattes d’eph' et des chandails orange, les parents fument dans les escalators — tous se bousculent dès l’ouverture des portes. Le film, intitulé Beaubourg, centre d'art et de culture, sera le dernier de Rossellini : le réalisateur de Rome, ville ouverte disparaîtra le 3 juin de cette année-là, à l'âge de 71 ans. Voulue par le ministère des Affaires étrangères, cette commande ne devait être qu’un court métrage. Alain Resnais est pressenti. Mais c’est le cinéaste italien qui accepte la mission, à ses conditions : il souhaite choisir son producteur (ce sera Jacques Grandclaude) et décider de la durée du film. Tourné en 35 mm, Beaubourg, centre d'art et de culture offre cinquante-sept minutes d’une déambulation dans les espaces du Centre Pompidou, de la Bibliothèque publique d'information (Bpi), aux terrasses, en passant par la révolutionnaire « Chenille », et sa vue imprenable sur Paris. En toile de fond, les travaux du quartier Beaubourg et des Halles, toutes proches.

 

Beaubourg est un phénomène important. J’ai regardé le phénomène. […] Je n’ai utilisé dans le film ni musique ni narrateur. J’ai voulu montrer Beaubourg. J’ai caché des dizaines de micros et j’ai recueilli toutes les voix du public qui court en masse à Beaubourg.

Roberto Rossellini  

D’abord circonspect, Rossellini se prend de passion pour son sujet. Il filme sans scénario et même sans moniteur, et réalise de longs travellings et zooms. Roberto Rossellini : « Beaubourg est un phénomène important. J’ai regardé le phénomène. […] Je n’ai utilisé dans le film ni musique ni narrateur. J’ai voulu montrer Beaubourg. J’ai caché des dizaines de micros et j’ai recueilli toutes les voix du public qui court en masse à Beaubourg. » Pour Judith Revault d'Allonnes, responsable des cinémas au Centre Pompidou, « avec ce film, Rossellini a voulu faire état de la manière dont le bâtiment commençait à vivre. Il n'y a pas de commentaire ni de voix off, tout est pris en charge par l'image et le son, ce qui en fait un geste absolu de cinéaste ». Le tournage s’étale de janvier à mai 1977, le budget est multiplié par deux, si bien que le ministère se désengage, laissant le producteur financer seul ce projet fou. En parallèle, Jacques Grandclaude s’attache à immortaliser le maestro en pleine création. Il suit Rossellini pas à pas. Ses précieuses archives (vingt heures de rush et quarante-cinq heures d'enregistrement sonore) deviendront un autre film d’une vingtaine de minutes, Rosselini au travail, un making-of en forme de leçon de cinéma. ◼