Troncs d'arbres
1931
Troncs d'arbres
1931
Domaine | Dessin |
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Technique | Crayon de couleur et mine graphite sur papier |
Dimensions | 65 x 48 cm |
Acquisition | Achat, 1981 |
N° d'inventaire | AM 1981-4 |
Informations détaillées
Artiste |
Fernand Léger
(1881, France - 1955, France) |
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Titre principal | Troncs d'arbres |
Titre attribué | Arbres |
Date de création | 1931 |
Domaine | Dessin |
Technique | Crayon de couleur et mine graphite sur papier |
Dimensions | 65 x 48 cm |
Inscriptions | Monogrammé et daté en bas à droite : F.L.31 |
Acquisition | Achat, 1981 |
Secteur de collection | Cabinet d'art graphique |
N° d'inventaire | AM 1981-4 |
Analyse
Entre 1929 et 1934, plutôt que du contraste de formes purement géométriques, comme dans les périodes précédentes, Léger va jouer davantage de la ressemblance, de la transformation, ou même de la métaphore, pour aboutir à des effets de poétique étrangeté. Son regard se pose alors indifféremment sur des objets naturels, dont il décèle le pouvoir de métamorphose (troncs d’arbres et racines, puis cailloux de silex aux replis sinueux, coques de noix ou quartiers de viande), sur des objets de tous les jours transfigurés par des cadrages en gros plan (vieux gants, ceinture ou lunettes), ou encore quelque objet mécanique qu’il dote désormais de connotations sentimentales (la serrure, dédiée à Simone). Les courbes prennent le pas sur les droites ; le pli et le drapé, les ombres accentuées chiffonnent sérieusement l’aplat. On pourrait aussi dire qu’à une esthétique du contraste succède (provisoirement) une esthétique de la métamorphose – Léger ne serait donc pas resté complètement imperméable à certains des courants qui travaillent le début des années 1930, y compris le surréalisme.
Dans une première série de dessins, exécutés en 1931 et 1932, Léger explore les courbes et les méandres des arbres. Sans s’attarder au fouillis du feuillage, il ne s’intéresse qu’à l’attache des branches aux troncs et à leurs fascinantes circonvolutions. Troncs d’arbres a été dessiné, comme d’autres feuilles très proches, tout début août 1931, à Ramgut, en Suisse, d’où il écrit à Simone Herman (le 3 août) : « Monté 2000 mètres en montagne hier, assez dur, mais vécu dans les beaux troncs d’arbres bouleversés, dépouillés de leur écorce, magnifiques, brillants, métalliques, lisses comme serpents et éléphants, très animal et expressif. »
Au printemps 1934, une exposition organisée à la galerie Vignon rassemble (sous le titre « Objets par Fernand Léger ») plusieurs dizaines de ces « portraits d’objets » – dont l’inventaire à la Prévert fait voisiner le mouchoir et le tire-bouchon, les carcasses saignantes et les rognons de silex – hyperréalistes avant la lettre. Comme Quartier de mouton , la plupart ont été réalisés à la fin de l’été 1933, dans une frénésie de dessiner que Léger commente à chaud, de nouveau pour Simone, le 5 septembre 1933 : « 25 dessins en cinq jours, dessins au trait très finis, des “genre Dürer”, serrés, durs – éclatants – même méchants – Ils sont méchants. J’ai attaqué une boucherie. J’ai des éléments de “bœufs”, des quartiers de viande ». À noter que ce morceau de bravoure, dessiné à l’encre très noire, insiste tout de même sur l’architecture des os, des côtes, sur la structure – à la différence des chairs sanguinolentes, informes, photographiées aux abattoirs de la Villette quelques années plus tôt (en 1929) par Eli Lotar.
Quant à la Serrure , si consciencieusement dessinée au crayon quelques jours plus tard, à la mi-septembre 1933, elle n’est pas seulement le portrait tout à fait ressemblant de la serrure de la porte d’un compartiment de troisième classe dans un train de la Compagnie du Nord, un bel outil métallique aux pièces exactement ajustées, motif irrésistible pour le peintre de tant d’éléments mécaniques. Elle devient aussi, dans cette phase nouvelle des années 1930, un objet symbolique, une image fétiche, le souvenir d’une escapade amoureuse entre Paris et Boulogne, offerte et dédiée en ces termes à l’aimée (la même Simone Herman) : « J’y travaille dès demain – écrit Léger le 16 septembre – et je vous l’envoie si elle est bien. Elle ne fermera ni n’ouvrira rien entre nous ».
Isabelle Monod-Fontaine
Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008