Exposition / Musée
Passeurs (2e partie)
Expositions-dossiers réalisées à partir des collections du Musée national d’art moderne
14 janv. - 31 août 2016
L'événement est terminé
Ces expositions-dossiers sont présentées jusqu’au 31 août dans les salles du 5e étage du Musée, au cœur du parcours des collections modernes.
Depuis le 26 mai 2015, des expositions-dossiers, signalées par une couleur grise, ponctuent et intensifient le parcours de visite des collections modernes du Centre Pompidou. Renouvelés tous les six mois, ces modules de différents formats explorent une problématique commune. La deuxième séquence, présentée à partir du 14 janvier 2016, est à nouveau consacrée à ces grands « passeurs » que sont les historiens et critiques d’art, amateurs éclairés ou penseurs du temps dont le regard, le goût et l’amitié avec les artistes ont contribué de manière décisive à forger l’art du 20e siècle. À travers leurs points de vue particuliers, ces personnalités ont donné à voir et lire les œuvres modernes. Leur rendre hommage au cœur d’un parcours de visite reposant sur les grands jalons de l’art moderne permet de proposer des moments d’intensité susceptibles d’interroger la façon dont s’écrit et se bâtit l’histoire de l’art.
Les Stein, Blaise Cendrars, Wilhelm Uhde, Oswald de Andrade, Vassily Kandinsky et ses cours au Bauhaus, André Breton, Aimé Césaire, Robert Lebel, Francis Ponge, Siegfried et Carola Giedion, Bernard Gheerbrant, Alain Jouffroy et Reyner Banham sont autant de passeurs singuliers animés par une inaltérable curiosité. Attentifs à la nouveauté, audacieux dans leurs choix, ils sont de véritables découvreurs. Les Stein sont les premiers acheteurs des œuvres de Matisse et Picasso, tandis que Uhde valorise l’œuvre habité de Séraphine de Senlis. Personnalités souvent magnétiques aux prises de position fortes, certains rassemblent autour d’eux des artistes emblématiques, comme Breton, père du surréalisme, ou Lebel, catalyseur de nombreux projets artistiques et littéraires. Parfois eux-mêmes créateurs, notamment poètes ou écrivains, à l’instar de Cendrars, Andrade, Césaire, Ponge et Jouffroy, ils se lancent avec les artistes de leur temps dans l’expérience de la modernité.
Fruit d’un travail collectif réunissant les équipes du Musée, ces expositions-dossiers font l’objet d’un accompagnement particulier. Les Cahiers du Musée national d’art moderne consacrent à chaque séquence un hors-série semestriel, tandis que des conférences et des journées d’études spécifiques sont organisées au Centre Pompidou.
Les Stein, « frères et sœur singuliers »
(commissaire de l’exposition : Cécile Debray, avec la collaboration de Anna Hiddleston)
Salle 2
Blaise Cendrars, 1887 - 1961 : Poète et aventurier
(commissaires de l’exposition : Jean-Michel Bouhours et Nathalie Ernoult, avec la collaboration de Sylvia Bozan)
Traverse 3
Wilhelm Uhde, 1874 - 1947 : Le découvreur
(commissaire de l’exposition : Angela Lampe, avec la collaboration de Valérie Gross)
Salle 12
Oswald de Andrade, 1890 - 1954 : Passeur anthropophage
(commissaires de l’exposition : Leonardo Tonus (Maître de conférence / université Paris-Sorbonne), Mathilde Bartier et Julie Champion)
Traverse 4
Vassily Kandinsky, 1866 - 1944 : Professeur au Bauhaus
(commissaires de l’exposition : Christian Briend et Angelika Weissbach (Berlin), assistés de Véronique Borgeaud et Anne Lemonnier)
À l’instigation de la Société Kandinsky, l’ensemble du matériel écrit et figuré constituant les cours de Kandinsky au Bauhaus a fait l’objet, en 2015, d’une importante publication par Angelika Weissbach (Gebr. Mann Verlag, Berlin).
Traverse 5
André Breton, 1896 - 1966 : 42, rue Fontaine
(commissaires de l'exposition : Jean-Michel Bouhours et Camille Morando)
Salle 21
Aimé Césaire, 1913 - 2008 : Le rendez-vous du donner et du recevoir
(commissaire de l’exposition : Mica Gherghescu, avec la participation de Julie Champion)
Tous nos remerciements s’adressent à la bibliothèque de l’Assemblée nationale, au musée Picasso, aux éditions Présence africaine et aux collections Roger-Viollet.
Traverse 6
Robert Lebel, 1901 - 1986 : Esprit chercheur
(commissaires de l’exposition : Bernard Blistène, Julie Champion et Mathilde Bartier)
Salle 24
Francis Ponge, 1899 - 1988 : Dans la « fabrique » des œuvres
(commissaires de l’exposition : Anne Lemonnier et Julie Champion, avec le concours de Mathilde Bartier)
Traverse 7
Carola Weckler-Giedion, 1893 - 1979, et Siegfried Giedion, 1888 - 1968 : Vers l’unité de l’homme
(commissaires de l’exposition : Aurélien Lemonier et Véronique Borgeaud, avec la collaboration de Lorraine Capelli)
Salle 25
Bernard Gheerbrant (1918 - 2010) et la Hune, à la frontière de deux mondes
(commissaire de l’exposition : Stéphanie Rivoire, assistée de Chloé Goualch et Brigitte Vincens)
Traverse 9
Alain Jouffroy, 1928 - 2015 : L’individualiste révolutionnaire
(commissaires de l’exposition : Didier Schulmann et Aurélien Bernard)
Alain Jouffroy s’est éteint le 20 Décembre 2015, quelques jours après l’ouverture de cette salle dont il a pu toutefois prendre connaissance avant son décès.
Salle 34
Reyner Banham, 1922 - 1988 : « Archéologie du futur immédiat »
(commissaire de l’exposition : Aurélien Lemonier)
Traverse 8 ouest
Quand
11h - 21h, tous les jours sauf mardis
Où
Wilhelm Uhde, 1874-1947 : Le découvreur
Marchand, collectionneur et écrivain d’origine allemande, Wilhelm Uhde s’installe à Paris dès 1904 et s’engage dès lors en faveur de la peinture la plus novatrice de son temps. Il défend les Fauves et découvre Picasso et Braque, dont il collectionne les tableaux cubistes. De 1908 à 1910, il est brièvement marié à Sonia Terk, qui devient bientôt l’épouse de Robert Delaunay. Celui-ci l’introduit auprès d’Henri Rousseau auquel Uhde consacrera sa première exposition personnelle, mais aussi sa première monographie. Il vient alors tout juste d’ouvrir sa galerie à Paris, dans laquelle Marie Laurencin est également présente.
Installé un temps à Senlis, il valorise l’œuvre habitée de celle qui est un temps son employée de maison, Séraphine Louis. La guerre interrompt ses projets : forcé de rentrer en Allemagne, il voit sa collection mise sous séquestre et vendue aux enchères. Accompagné du jeune peintre Helmut Kolle, il revient en France en 1924. Les artistes André Bauchant, Camille Bombois et Louis Vivin rejoignent alors, aux côtés de Rousseau et Séraphine, les rangs de ces « Primitifs modernes » qu’Uhde ne cessera de promouvoir jusqu’à la fin de sa vie.
Reyner Banham, 1922-1988 : « Archéologie du futur immédiat »
Après des études d’ingénieur en mécanique aéronautique et un passage à la Bristol Aeroplane Company, Reyner Banham se consacre entièrement à l’étude du mouvement architectural moderne. En 1949, il entre au Courtauld Institute et se lance, sous la tutelle de Nikolaus Pevsner, dans un doctorat dont la matière nourrit son ouvrage Theory and design in the first mechanical age (1960). À cette époque, Banham prend une part active au sein de l’Independant Group et collabore régulièrement à la revue Architectural Review où paraissent ses articles sur Le Corbusier, Adolf Loos, Piet Mondrian ou encore Frank Lloyd Wright. Sous la double influence du futurisme et de la culture populaire américaine, il multiplie les critiques à l’encontre de l’historicisme. Proche de James Stirling, d’Alison et Peter Smithson, Banham est l’initiateur d’une archéologie vivante du monde industriel et se fait le porte-parole de la technologie et de la modernisation de la ville, instaurant pour cela une méthodologie qui dépasse la compréhension strictement rationaliste des formes et des structures.
Vassily Kandinsky, 1866-1944 : Professeur au Bauhaus
Au Bauhaus, école d’art appliqué créée par Walter Gropius à Weimar en 1919, Kandinsky exerce les fonctions de professeur de 1922 à 1933, soit plus longtemps que tous ses collègues. Il suit l’institution au gré de ses transferts en Allemagne, à Dessau en 1925, puis à Berlin en 1933. Chargé tout d’abord du cours préparatoire, l’artiste dirige aussi l’atelier de peinture murale. Il n’existe alors ni manuel, ni matériel pédagogique. Comme tous les « maîtres » du Bauhaus, Kandinsky conçoit l’ensemble des contenus et des supports de ses cours.
Ces précieux documents constituent aujourd’hui un fonds partagé entre le Centre Pompidou, où il est entré grâce au legs de Nina Kandinsky en 1981, et le Getty Research Institute de Malibu en Californie. Exposé ici pour la première fois, il associe des cours dactylographiés, des outils visuels conçus par Kandinsky, des photographies collectées, ainsi que des exercices réalisés par ses élèves.
Francis Ponge, 1899-1988 : Dans la « fabrique » des œuvres
C’est par Le Parti pris des choses, recueil de poèmes en prose paru en 1942, que Francis Ponge (1899-1988) se fait connaître. Ces textes, qui s’attachent à des objets aussi peu considérés que « Le cageot » ou « L’orange », forment les fondations d’une poétique nouvelle, qui marquera tout particulièrement l’avant-garde littéraire des années 1960 : dépouillant l’écriture de tous les poncifs, il s’agit de « donner la parole au monde muet ». De nombreux ouvrages suivront, parmi lesquels Proèmes (1948), La Rage de l’expression (1952) ou Le Savon (1967), auquel Ponge a travaillé vingt-cinq ans durant.
En parallèle de ce travail sur le langage, que Ponge considère comme un travail d’atelier, il réalise des études sur l’œuvre des peintres et sculpteurs de son temps, qu’il rencontre par l’intermédiaire de Jean Paulhan ou de Michel et Louise Leiris : Braque, Picasso, Fautrier, Dubuffet, Giacometti… Dans ces textes, sa réflexion sur la matière et celle sur le langage se trouvent tout naturellement mêlées ; c’est Braque, auquel Ponge est fraternellement lié, qui lui offre sans doute la plus claire formulation de leur commune démarche : « L’objet, c’est la poétique. »
Les Stein, « frères et sœur singuliers »
« […] Cette Américaine qui avec ses frères
et une partie de sa parenté forme le mécénat
le plus imprévu de notre temps.
Leurs pieds nus vont chaussés de sandales delphiques,
Ils lèvent vers le ciel des fronts scientifiques. »
Apollinaire, octobre 1907
Au début du 20e siècle, une famille d’Américains s’installe à Paris : Gertrude Stein, écrivain d’avant-garde, et son frère Leo ; Michael le frère aîné avec son épouse Sarah. Ils construisent à eux quatre l’une des plus étonnantes collections d’art moderne. Premiers acheteurs de Matisse et de Picasso, ils réunissent quelques tableaux de Renoir, Cézanne, puis, dans les années 1920, Gris, Masson, Picabia jusqu’aux œuvres abstraites du tout jeune Atlan. Ils tiennent salon et accueillent chez eux, dès 1905, jusqu’aux années 1930, toute l’avant-garde artistique et littéraire.
Cultivés, sensibles, les Stein se révèlent des collectionneurs audacieux et atypiques, dont le mécénat se double d’une complicité artistique et intellectuelle avec les artistes. Gertrude, amie de Picasso, invente une écriture répondant aux expérimentations cubistes, Sarah établit avec Matisse un dialogue fructueux. Par la qualité et la radicalité de leur collection, les Stein ont contribué à imposer une nouvelle norme en matière de goût pour l’art moderne.
Blaise Cendrars, 1887-1961 : Poète et aventurier
Blaise Cendrars a déjà parcouru le monde avant de s’installer à Paris en 1912. Poète de la modernité urbaine, il fréquente l’avant-garde des arts et lettres de l’époque : Guillaume Apollinaire, Marc Chagall, Fernand Léger, Léopold Survage ainsi que Sonia Delaunay, avec laquelle il réalise en 1913 le premier « livre simultané », Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France. Inspiré par les créations de mode de l’artiste, le poète compose en 1914 Sur la robe, elle a un corps.
Après la guerre, il se passionne pour l’art naissant du cinéma qui lui inspire de nouvelles formes littéraires et graphiques, comme La Fin du monde filmée par l’ange N. D., publié en 1919 avec des illustrations de Fernand Léger. L’épreuve de la guerre renforce son amitié avec le sculpteur cubiste hongrois Joseph Csaky, – tous deux s’étaient engagés dans le régiment des volontaires étrangers de l’armée française –, et, à l’occasion de la publication par Waldemar George d’une monographie, Cendrars lui dédie un poème.
Bernard Gheerbrant et la Hune : à la frontière de deux mondes
Saint-Germain-des-Prés, le 12 mai 1949 : inauguration de la librairie-galerie la Hune, installée entre les Deux Magots et le café de Flore. Bernard Gheerbrant (1918 - 2010) et sa femme Jacqueline y réunissent pendant trente ans le monde littéraire et artistique parisien. Présentations de livres, expositions, conférences, projections… Il se passe toujours quelque chose à la Hune, dans une effervescence créatrice suscitant nombre de rencontres et de projets communs.
Considérant l’activité de libraire comme « l’un des beaux-arts », Gheerbrant s’attache à la diffusion du livre en tant qu’éditeur et co-fondateur de la Société des lecteurs (1952-1957) et du Club des libraires de France (1954-1966). Toutes les formes l’intéressent : poésie et critique, photographie, estampe, gravure et lithographie, mais aussi reliure, maquette et typographie. L’articulation entre les différentes composantes du livre est au cœur de son action, à la Hune comme dans les expositions qu’il présente : « James Joyce : His life and work », à l’Institute of Contemporary Art à Londres (1950), ou la section des arts graphiques du pavillon français conçue avec Pierre Faucheux pour la 9e Triennale de Milan (1951).
Carola Weckler-Giedion, 1893-1979 et Siegfried Giedion, 1888-1968 : Vers l’unité de l’homme
L’œuvre critique de Carola Weckler Giedion et de Siegfried Giedion est travaillée par le constat d’un conflit : la généralisation de l’usage de la machine dans l’activité de l’homme aura produit un morcellement de son expérience sensible et émotionnelle. Même si pour Giedion les « forces vitales de la création moderne » sont alignées sur celles du monde de l’industrie et de l’ingénieur, l’approche théorique du critique est traversée par cette dualité.
Carola Weckler se consacre principalement au domaine de la sculpture contemporaine dont elle favorise la connaissance et la diffusion. En élève de l’historien de l’art Heinrich Wöfflin, ses analyses comme celle de son mari se développent à partir d’une interprétation psycho-physique de la perception.
En assurant les fonctions de secrétaire des Congrès internationaux d’architecture moderne (CIAM, 1928 -1956), Siegfried Giedion est en quelque sorte le « grand témoin » de la scène européenne de l’architecture moderne. Dans Espace, temps, architecture, achevé aux États-Unis en 1941, il formalise ainsi la notion de quatrième dimension dans le domaine de l’architecture et de l’urbanisme, tout en renvoyant son interprétation critique de la modernité à la quête d’un invariant humaniste.
Aimé Césaire, 1913-2008 : Le rendez-vous du donner et du recevoir
« Nègre je suis, nègre je resterai », sous ces mots tranchants s’affirme la voix poétique et politique d’Aimé Césaire (1913-2008). Il est le penseur de la notion de négritude avec Léopold Sédar Senghor et Léon Gontran Damas, défenseur humaniste de la diversité culturelle à l’heure de la décolonisation, poète-forgeur du langage somptueux du Cahier d’un retour au pays natal.
Césaire est également le complice des milieux artistiques et intellectuels (La Revue du monde noir de Paulette Nardal, Légitime défense d’Etienne Léro, le groupe surréaliste en exil – André Breton, Benjamin Péret, Pierre Mabille – et, plus tard, la maison d’édition et la revue Présence africaine animées par Alioune Diop). Wifredo Lam et Michel Leiris sont des amis de toujours.
En terre martiniquaise occupée, il crée la formidable revue Tropiques, qui, en refusant le parti pris de l’exotisme, publie à la fois des textes de Leo Frobenius sur l’Afrique, des poèmes afro-américains et antillais, des contes créoles de Georges Gratiant ou des contes cubains rassemblés par Lydia Cabrera. C’est sur la terre d’une Martinique « charmeuse de serpents » qu’Aimé Césaire retrouvera « le goût amer de la liberté ».
Oswald de Andrade, 1890-1954 : Passeur anthropophage
Poète, romancier, essayiste et dramaturge, Oswald de Andrade fut l’un des principaux promoteurs du modernisme brésilien. Après un premier séjour à Paris, où il découvre en 1912 le futurisme et le cubisme, il participe activement à la Semaine d’art moderne de São Paulo (11 - 18 février 1922) aux côtés des écrivains Mário de Andrade et Ronald de Carvalho, des peintres Tarsila do Amaral et Vicente de Rego Monteiro, et du musicien Heitor Villa-Lobos.
Dès les années 1920, de Andrade effectue plusieurs séjours à l’étranger et tisse des liens avec les principaux acteurs de l’avant-garde artistique et littéraire européenne, dont Blaise Cendrars, Constantin Brancusi, Pablo Picasso, Fernand Léger et Valery Larbaud.
Son Manifeste de la poésie Pau-Brasil, publié en 1924, participe d’un courant esthétique ancré dans la réalité brésilienne tant historique que contemporaine. Quatre ans plus tard, le Manifeste anthropophage inaugure une pensée originale, iconoclaste et libertaire, fondée sur la déglutition symbolique des modèles culturels importés. Il place dès lors Oswald de Andrade dans notre contemporanéité. « Tupi or not tupi, that is the question ! »
Robert Lebel, 1901-1986 : Esprit chercheur
Poète, romancier, essayiste, critique et historien de l’art, Robert Lebel a exploré de sa plume alerte de nombreux champs de la création. Ami d’André Breton et membre passager du mouvement surréaliste, défenseur enthousiaste de l’Œuvre d’Isabelle Waldberg, il est expert en tableaux et dessins anciens à Paris et se passionne pour l’art eskimo aux États-Unis.
Lebel rencontre Marcel Duchamp à New York à la fin des années 1930 et naît entre eux une véritable complicité. Il lui consacre en 1959 sa toute première monographie. L’édition originale, issue de la collaboration entre l’auteur et l’artiste, prend la forme d’un coffret à déployer, renfermant des œuvres aux multiples facettes. Isabelle Waldberg, Alberto Giacometti, Max Ernst, Erró, nombreux sont les artistes ayant participé aux publications de Lebel et qu’il n’a cessé de soutenir. Préfaçant l’essai Chantage de la beauté en 1955, André Breton écrit : « Notre ami Robert Lebel a des yeux si clairs que le regard qu’il promène par les avenues de l’art est comme la lanterne de Diogène, cheminant à petites étapes par le trottoir droit de la rue Royale, en direction de la Concorde. »
Alain Jouffroy, 1928-2015 : L’individualiste révolutionnaire
L’écriture était la colonne vertébrale de l’œuvre d’Alain Jouffroy. Critique d’art, essayiste, poète, romancier, Alain Jouffroy écrivait beaucoup et sur tout. S’il fallait un début à son histoire, ce serait celle de sa rencontre fortuite avec André Breton en 1946, à Huelgoat en Bretagne. De cette rencontre naîtront bien d’autres : les surréalistes à Paris, Victor Brauner dans son atelier de la rue Perrel ou bien encore Marcel Duchamp à New York.
En 1960, en réaction à la guerre menée par la France en Algérie, il fut l’instigateur avec Jean-Jacques Lebel d’une manifestation – l’Anti-procès – à Paris puis à Milan. Cinq ans plus tard, c’est avec l’exposition « Les objecteurs » que Jouffroy fît son coup d’éclat. Il y mit en avant de jeunes artistes, comme Jean-Pierre Raynaud ou Daniel Pommereulle, utilisant l’objet comme médium. L’exposition « Topino-Lebrun et ses amis », organisée en 1977 dans le tout nouveau Centre Georges Pompidou, fut pour Jouffroy une nouvelle occasion d’instiller dans son œuvre ce qu’il appela l’« individualisme révolutionnaire », avec la volonté de replacer chacun au centre de l’Histoire.
André Breton, 1896-1966 : 42, rue Fontaine
Passionné par la poésie symboliste, André Breton, mobilisé à partir de 1915 aux services psychiatriques des hôpitaux militaires, fait les rencontres déterminantes de Jacques Vaché, Louis Aragon et Guillaume Apollinaire, et découvre la pensée de Sigmund Freud. En 1919, Breton crée la revue Littérature avec Aragon et Philippe Soupault, rejoints par Paul Eluard. Après la rupture avec le mouvement dada, Breton écrit le Premier Manifeste du surréalisme publié en octobre 1924, dont le principe fondateur est celui de « l’automatisme psychique pur », interrogeant les mécanismes du rêve et de l’inconscient.
Auteur de récits et de poèmes, de textes théoriques, d’objets ou de cadavres exquis, Breton a dirigé et animé de nombreuses revues, organisé des expositions, donné des conférences en France et à l’étranger, tout en collectionnant environ 10 000 objets, oeuvres et documents. Parallèlement à ses activités, Breton n’a eu de cesse de s’entourer d’artistes, de poètes, d’écrivains, etc., formant autour de lui une constellation diverse. Dès les années 1930, le surréalisme de Breton prendra une dimension internationale, portant ailleurs les germes de la magie et du merveilleux.