Piquets

Les années 1970 sont marquées, chez Bernard Pagès par une recherche sur la sérialité. Il s’impose des données fixes, des « paramètres de base », sur lesquels il fonde la série, énumérant dans un tableau toute les solutions possibles faisant en sorte que, pour lui, un ensemble devienne « démonstratif et intelligible ». Comme les artistes de Supports/Surfaces, il revendique, dans le même temps, des pratiques artisanales : « Mes techniques sont celles du maçon, du forgeron, du charpentier et du bûcheron, dans ce qu’elles ont de plus rudimentaire. Les prouesses techniques ne me sont d’aucun souci. » Pour ces Piquets précisément, Pagès a utilisé dix poteaux de bois qu’il a d’abord plantés en terre. Puis il a coulé du béton à leur base, dans des moules cubiques, cylindriques, coniques et pyramidaux. Arrachés de terre, les piquets se présentent sobrement, dans une double opposition de matières (bois/béton) et de couleurs (brun/blanc) à laquelle s’ajoutent des bribes de terre. Cette confrontation d’ordre aussi bien pictural que matériologique est à rapprocher de l’ambiguïté, toujours présente chez Pagès, entre peinture et sculpture. Peu à peu, le volume des assemblages va prendre une telle importance dans son travail que chaque élément, séparé, deviendra autonome et aboutira, à partir de 1980, aux colonnes.

Nadine Pouillon

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007