L'Epervier

Originaire de Constantine en Algérie et de culture judéo-kabyle, Jean Atlan découvre la peinture en 1942, durant son internement à Paris, à l’asile Sainte-Anne où il s’est réfugié, simulant la folie pour échapper à la police allemande qui le recherchait pour faits de Résistance. Les premières œuvres, de petites dimensions et hâtivement exécutées sur papier ou sur Isorel, sont des représentations humaines ou animales schématiques, ou des paysages sommaires. Vers 1943, apparaissent les premières formes abstraites, violemment colorées et cernées de noir.

Après la Libération, Atlan se fait connaître en exposant avec d’autres artistes dans plusieurs galeries d’avant-garde (L’Arc-en-ciel, en décembre 1944-janvier 1945 ; Ariel, 20 avril-15 mai 1945 ; L’Esquisse, 1944-1945), et rencontre ses premiers amateurs : Gertrude Stein, Cecil Beaton, Clara Malraux, Jean Paulhan. À partir de 1945 s’affirme chez Atlan un art du signe dans lequel les éléments figuratifs se changent en formes biomorphiques, inlassablement reprises et étroitement associées (pointes, dentures, ovoïdes…). Des graphismes noirs les cernent et structurent ces compositions dont les tons violemment contrastés s’inscrivent dans un clair-obscur dramatique.

L’Épervier (cat. rais. no 44), l’une des premières huiles de grand format de l’artiste, appartient à ces travaux où le style d’Atlan s’affirme avec autorité, évoquant un bestiaire fantastique qui, après 1948, le rapproche des artistes de Cobra. Présenté lors de la première exposition personnelle d’Atlan, à la galerie Denise René en 1946 (2-25 février), L’Épervier caractérise la première manière d’Atlan, brutale et hallucinée, et appartient aux œuvres qui, selon lui, sont fondées sur les « formes qui me paraissent le plus valables, […] ne sont à proprement parler ni abstraites, ni figuratives. Elles participent précisément de ces puissances cosmiques de la métamorphose où se situe la véritable aventure » (J. Atlan, cité par Bernard Dorival, Atlan, essai de biographie artistique, Paris, 1962, p. 77).

Jean-Paul Ameline,

Johan Popelard

Source :
Extrait du catalogue Collection art moderne - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne , sous la direction de Brigitte Leal, Paris, Centre Pompidou, 2007