Napf (Ecuelle pour chien)

Une armoire de bureau qui ne s’ouvre pas, un pouf sur lequel on ne s’assoit pas, une gamelle vide, une bougie que l’on n’allumera pas, une racine artificielle, un range-couverts toujours sec et un bout de mur sans destination : moulées dans de l’élastomère noir, les sept sculptures signées en 1986-1987 par Peter Fischli et David Weiss sont d’aimables répliques qui ne trompent personne en reproduisant sans réelles qualités ni vrais défauts des objets glanés dans un paysage familier. Elles sont des memorabilia puisées dans l’horizon paisible de tout Occidental, un paysage vierge d’aspérités ou de traits remarquables : un peu kitsch pour la bougie bavaroise et le muret de briques, sans concessions décoratives pour l’armoire et la gamelle. Contrairement aux readymades classiques, les fournitures de Fischli et Weiss n’ont jamais eu de fonction. Plantées comme un décor, elles se cantonnent à leurs fictions. Matériel archéologique témoignant d’un passé tout récent ou prototypes envoyés d’un futur proche, ces artéfacts entretiennent par leur texture, leur teinte et l’étrangeté de leur présence une distance avec le réel suffisante pour le creuser et le miner d’une multitude de récits possibles. Depuis le début de leur collaboration en 1979, Fischli et Weiss ont fait de cette distorsion du quotidien et du banal un programme. Cette traque d’exotisme et d’aventure au cœur d’un réel désespérément plat se retrouve également sous la forme de photographies, de sculptures ou encore de vidéos, telles Der Geringste Widerstand [ La Moindre Résistance ], de 1981, Der Rechte Weg [ Le Droit Chemin ], de 1983, et le fameux Der Lauf der Dinge [ Le Cours des choses ], de 1987, qui figurent également dans les collections du Mnam.

Olivier Michelon

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007