Révolution # 1

Chez Bruno Perramant, l’image peinte cohabite souvent avec des bribes de texte : sous-titres, génériques de films, phrases lues ou entendues prises sur le vif. Ses œuvres, pour lesquelles il emprunte volontiers les stratégies visuelles du cinéma – montage, gros plan, cadrage et recadrage –, se présentent fréquemment sous la forme de polyptyques, conçus comme les fragments assemblés d’une série de photogrammes. Dans l’ensemble que forme Révolution # 1 , deux peintures de paysage s’intercalent entre trois toiles qui semblent reproduire des détails des deux premières, rendus toutefois difficiles à identifier par le grossissement. Tirées d’un documentaire des années 1970 sur le terrorisme, trois questions qui pointent les signes suspendus d’une narration apparaissent sur le fond abstrait des toiles de petit format : « Où trouver de meilleurs combattants que les fascistes ? », « Croyait-il qu’il s’agissait d’attentats sans gravité ? », « Mais tous ces morts ? ». L’écriture y est peinte, tremblotante et labile, comme l’est la texture d’une mauvaise image vidéo. Cette œuvre se nourrit de sources réinterprétées par l’artiste (univers de la télévision ou histoire de l’art), en particulier à travers les deux paysages qui convoquent toute une mémoire de la peinture. Le polyptyque joue sur un effet de décalage entre la banalité de la représentation d’un paysage de campagne et les interrogations que soulève la violence implicite de ces phrases déconnectées de tout contexte. Comme souvent chez Perramant, la lecture de l’œuvre, perturbée par ces images qui s’entrechoquent, se dérobe à toute interprétation univoque, fonctionnant davantage par allusions et suggestions, tant les éléments qui la constituent semblent sans lien apparent.

Alice Fleury

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007