Mme Agnès Meyer

Lorsque l’épouse du banquier, fondateur du journal The Washington Post , Eugene Meyer, lui commande son portrait, Despiau entreprend plusieurs études afin de mieux cerner la complexité de cette belle femme cultivée, à la personnalité affirmée et dynamique, qui s’était très vite imposée dans les milieux de la presse américaine et dans le milieu artistique, au point d’être surnommée « la patronne ». Elle et son mari furent les mécènes de la Modern Gallery de Marius de Zayas à New York, et entamèrent, dès 1914, une collection majeure d’œuvres d’art européen.

Despiau réalise au moins une cire (AM 1083 S) et plusieurs plâtres successifs, dont quatre autres sont conservés au Musée (AM 1072 S, AM 1084 S, AM 1125 S, et AM 1126 S). Ce sont des bustes sur piédouches qui descendent de la tradition néoclassique par la pureté de leurs traits et la simplicité de la coiffure lissée par un bandeau. Ils reflètent l’attitude sévère et autoritaire du modèle, mais il manque, peut être, ce qui faisait le charme d’Agnes Meyer, sa beauté, son intelligence et sa distinction. Dans le dernier état, tiré en bronze à quatre exemplaires (cat. exp., Miyagi, 1997, op. cit. , n° 41), le sculpteur affine très sensiblement, par un léger basculement de la tête en arrière, cette figure dans laquelle la commanditaire se reconnaissait. Dans son autobiographie, Out of These Roots, The Autobiography of an American Woman (Boston, Little Brown & Co., 1953), celle-ci rapporte que son exemple incita Brancusi à reprendre son portrait d’elle, commencé en 1916. Étude pour le Portrait de Mme Eugene Meyer Jr. (AM 4002-69), en bois, qu’il reprendra périodiquement jusqu’au marbre noir de 1933 et à qui il attribuera le sous-titre de La Reine pas dédaigneuse, est considéré comme l’une des plus abstraites de son œuvre, éloignée de toute ressemblance avec le modèle.

Doïna Lemny

Source :
Extrait du catalogue Collection art moderne - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne , sous la direction de Brigitte Leal, Paris, Centre Pompidou, 2007