Jardin public à Hyères

Avant la première guerre mondiale, les dessins de Raoul Dufy apparaissent souvent comme des œuvres autonomes, obéissant peu à la loi des séries dont relèvent les innombrables vues de Normandie ou du midi de la France laissées par l’artiste après 1920. Remontant à cette première période, Jardin public à Hyères se signale par son caractère exceptionnel au sein de la production graphique de l’artiste. L’œuvre représente la place des Palmiers, située au cœur de cette station de la Côte d’Azur, que Dufy représentera à plusieurs reprises mais de façon plus conventionnelle à la fin de sa carrière. Avec un autre moins abouti, également déposé à Nice, ce beau dessin généreusement rehaussé d’aquarelle doit être mis en rapport avec une peinture de 1913, répertoriée sous le même titre, qui compte, avec le Jardin abandonné (Paris, MAMVP) et la Grande Baigneuse (coll.part.), parmi les œuvres les plus importantes de cette courte période, marquée par l’influence diffuse de Cézanne.

Dans ce dessin, Dufy opère une talentueuse synthèse décorative à partir d’un paysage mi-architecturé, mi-naturel. Un palmier décrit une grande arabesque séparant en son centre les volumes géométriques de l’obélisque et de la balustrade, à gauche, du kiosque à musique surmonté d’une lyre, à droite, de part et d’autre d’une tour au toit rouge. L’œuvre profite à l’évidence de l’expérience du peintre-décorateur. À cette époque, en effet, Dufy alimente réguliè-rement en dessins la firme de tissus lyonnaise Atuyer-Bianchini-Férier, avec laquelle il est sous contrat d’exclusivité depuis 1912.

Christian Briend

Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008