Sans titre

Dès l’année 1929, Hélion travaille sur la simplification extrême des formes. Son rapprochement avec Van Doesburg dans le groupe Art concret, puis la rencontre de Mondrian le conduisent à participer activement à la création de la revue Abstraction-Création , dont il dirige le premier numéro en 1932. À l’occasion de ses nombreux voyages aux États-Unis, au début des années 1930, le peintre diffuse les théories néoplastiques, devient le conseiller d’Albert Eugene Gallatin pour les acquisitions d’œuvres abstraites destinées à sa Gallery of Living Art, à l’Université de New York.

Si Poussin et Seurat incarnent l’équilibre recherché, les véritables maîtres d’Hélion sont Arp, Mondrian et Léger. Aux compositions purement orthogonales de 1930 succèdent progressivement des recherches davantage sculpturales, avec l’introduction de puissants volumes, assemblés en équilibre dans l’espace, fortement modelés et étroitement conjugués à des surfaces en aplats. Ainsi, dans ce dessin au format important, daté 1935 (sans doute une étude pour une peinture), les « figures », reliées par un réseau de lignes droites, sont articulées comme pour former un espace scénographique abstrait : s’y assemblent des formes géométriques droites et courbes (cônes et cylindres), des volumes érigés ou couchés. Hélion affirme avec force les termes de sa composition : les contours et les modelés appuyés au fusain contrastent avec les aplats nets de l’encre et les modulations colorées de l’aquarelle. L’apparition de la figure humaine s’y annonce souterrainement – à partir de 1939, c’est autour d’elle que la scène sera composée. Hélion ne notait-il pas déjà dans ses Carnets le 8 mars 1934 : « J’ai dit à Pierre Loeb que les jours de la grande période abstraite étaient comptés. D’ores et déjà je sais que je vais l’abandonner […] je veux la développer jusqu’au concret. »

Claude Laugier

Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008