Angelica

Tout au long des années 1990, Vik Muniz a fait de l’appropriation et du détournement d’icônes visuelles, tirées de la culture populaire comme de l’art le plus établi, la clef de son travail. Recourant à des matériaux peu orthodoxes – chocolat, sucre, jus de tomate, coton, caviar, cheveux… –, à l’aide desquels il reconstituait certaines images célèbres puis photographiait le dessin obtenu, Muniz installait au cœur de son œuvre, implicitement et souvent ironiquement, les pièges de la perception, les aléas de la mémoire et le questionnement de l’image photographique. La série « Aftermath » [« Conséquences »], dont Angelica… fait partie, appartient néanmoins par son sujet et son traitement à une veine moins ludique dans la production de Muniz, puisqu’il y est question des enfants des rues brésiliens disparus dans des circonstances restées mystérieuses. Les portraits en pied, silhouettes fantomatiques entre souvenir et présence, se dessinent comme en négatif sur un lit de détritus ramassés dans les rues pendant la période du carnaval. Chaque image réalisée, véritable memento mori , porte le prénom du disparu. On y retrouve des échos d’autres travaux réalisés ces mêmes années, tant des « Sugar Children » (1996) –  portraits en sucre d’enfants haïtiens travaillant dans les champs de canne à sucre –, que des « Pictures of Soil » (1997-1998), vanités réalisées à l’aide de terre, de déchets et de poussière.

Quentin Bajac

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007