Sol-Mur

Louis Cane fut, avec Marc Devade, Daniel Dezeuze et Vincent Bioulès, l’un des théoriciens du groupe Supports/Surfaces qui fondèrent, en 1971, à l’apogée du mouvement, la revue Peinture, Cahiers théoriques , qui se fera notamment l’écho des polémiques engagées autour du groupe. Cane travaille par séries. Après les « Papiers collés » et les « Tampons », il réalise, de 1971 à 1974, les « Toiles sol-mur », ses travaux sans doute les plus emblématiques. Cette mise en rapport du sol et du mur est, pour les membres du groupe, et en particulier chez Cane et Dezeuze, une des stratégies essentielles de la prise de possession de l’espace par la peinture. Cane déstructure le tableau en abandonnant le châssis et en agrafant la toile directement sur le mur. Utilisant de très grands draps, il procède en trois temps : la peinture, telle une teinture, est d’abord vaporisée sur la toile étalée au sol – cette technique permettant d’établir une distance entre le peintre et son objet. La toile est ensuite pliée en deux, couleur à l’intérieur (avec, par conséquent, une déperdition de couleur), découpée et redéployée. Enfin, la peinture est reprise au pinceau pour lui donner vie et mouvement. Indissociable du format qui la porte, la couleur est, pour Cane, fondamentale : « C’est sans doute à travers la couleur qu’un peintre est confronté le plus avec la réalité et la matière au travail dans la peinture. Par terre, étendue, marquée par la couleur, la toile à nouveau avec la couleur se re-marque peinture. » Ce processus, qui propose une lecture à la fois verticale et horizontale de l’œuvre, correspond, pour Louis Cane, à une subversion des traditions.

Nadine Pouillon

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007