2 rectangles bleus, 4 rectangles noirs

Installée depuis 1947 à Paris, Véra Molnar se livre dans les années 1950 à une destruction en règle des contraintes de l’enseignement académique suivi à l’École des beaux-arts de Budapest. Étayé par une riche connaissance des travaux de ses prédécesseurs du monde de l’art construit (surtout Mondrian, Rodtchenko et Malevitch), son cheminement plastique consiste à n’utiliser que les formes les plus simples du répertoire de l’abstraction géométrique (carrés, rectangles, tirets, croix, cercles et demi-cercles), en leur faisant exécuter de très simples opérations de pavage du plan par alignement, juxtaposition, rotation, retournement, addition et soustraction. Noir, blanc, couleurs « sorties du tube » et non mêlées sont utilisées pour attirer l’œil dans des jeux de pièges optiques, qui doivent beaucoup aux expériences des théoriciens de la Gestalt aux quelles son mari François (artiste, puis scientifique) a très activement participé.

Refusant l’exposition et la commercialisation de son travail, qu’elle considère alors comme une suite de manipulations laborantines, Véra Molnar fait parfois participer ses visiteurs et amis à la construction des images ou convoque le hasard afin d’égratigner tout à la fois les statuts de l’artiste démiurge et de l’œuvre auratique.

Les œuvres des années 1950 voient donc germer des préoccupations que renforcera en 1960 l’usage de la « machine imaginaire » (préfiguration de l’outil informatique consistant à s’imposer des programmes de transformation de formes dont la main exécutera la réalisation comme le ferait une table traçante), puis, dès 1968, de l’ordinateur, aux puissances combinatoire et stochastique bien supérieures.

Vincent Baby

Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008