Sans titre

Au milieu des années 1960, Marc Devade se tourne vers l’abstraction américaine, alors peu visible en Europe, à l’exception de l’œuvre de Jackson Pollock. Il puise dans la peinture minimale de Kenneth Noland, Jules Olitski ou Frank Stella le point de départ décisif de son travail : la modernité d’un vocabulaire formel assumé dans le cadre traditionnel du « tableau-objet ». Après sa série « dripping et all over de l’été 1964 », Marc Devade introduit des motifs de chevrons, puis de bandes, divisant progressivement la toile d’après la structure déductive de Noland et Stella. La composition rigoureuse de Sans titre (1970) procède d’un « schéma de division » quasi mathématique selon lequel, à partir d’une mesure prise sur un des côtés du carré, chaque module rectangulaire est déduit du précédent. Tandis que l’organisation interne de la composition découle du pourtour de la toile, les couleurs, dont la planéité nie toute idée de perspective, semblent outrepasser les limites du tableau. À la Galerie du Haut-Pavé, qui organise en 1970 sa première exposition personnelle, où est présentée cette œuvre, Marc Devade rencontre Dezeuze, Viallat, Bioulès et Cane, avec lesquels il participe la même année à l’exposition de l’ARC (musée d’Art moderne de la Ville de Paris) qui marque la naissance du groupe Supports/Surfaces. La position de Marc Devade, l’un des théoriciens du mouvement, relève néanmoins du paradoxe. Dans la perspective d’une dialectique matérialiste où l’objet de la peinture, c’est la peinture elle-même, Devade affirme l’intégrité du tableau, dissociant ainsi son œuvre du postulat d’origine du mouvement : la déconstruction du support.

Isabelle Merly

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007