Les royaumes combattants

En 1950, Jean Dewasne ouvre avec Edgar Pillet l’Atelier d’art abstrait, où il enseigne la « technologie de la peinture » et prône la création d’un art en accord avec la modernité technique et industrielle. À partir de 1951, Dewasne s’applique ce programme en utilisant des supports rigides (métal, Isorel, contreplaqué) recouverts par des aplats de laques glycérophtaliques. La surface de ses œuvres en retire un aspect lisse et dur, froid et distant, qui met le tableau en conformité avec les standards de la création industrielle. Comme a pu le dire l’un de ses anciens élèves, Daniel Cordier : « Dewasne a rejeté les facilités techniques de la peinture traditionnelle. Il a inventé des moyens nouveaux qui ne trichent pas avec la surface, la couleur, le spectateur, et traitent les problèmes sans les nier ou les éluder. » Les formes, nombreuses et variées, sont tracées à bords nets au tire-ligne et au compas et couvrent de leurs assemblages complexes la totalité de la composition. Toutes ces caractéristiques sont celles du tableau Les Royaumes combattants , dont le titre emprunte le nom d’une période de l’histoire chinoise ancienne. Selon Dewasne, en effet, la peinture abstraite, qui va dans le sens du matérialisme dialectique, n’est pas moins habilitée que le réalisme socialiste à prendre en charge les sujets historiques et engagés ; en témoignera encore, en écho à l’épopée maoïste, La Longue Marche exposée au musée d’Art moderne de la Ville de Paris, en 1969.

Arnauld Pierre

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007