Unapproved Road (Route non autorisée)

Originaire de l’une des villes les plus marquées par le conflit nord-irlandais – Derry, où il vit et travaille toujours –, Willie Doherty en a fait, depuis la fin des années 1980, l’axe principal de son travail. Mais cette proximité n’empêche pas la distance, cette stratégie de distanciation qui est la sienne, tant dans ses photographies que dans ses dispositifs vidéo. À la tentation d’une saisie frontale et objective des événements, chimère véhiculée par les médias, Doherty oppose une tactique de contournement : une certaine économie de moyens, le goût des traces plus que des événements eux-mêmes et le recours fréquent à une caméra subjective sont autant de trucs , en partie empruntés à des dispositifs de fiction – ceux d’un certain cinéma de genre (noir, fantastique, film d’horreur) –, pour tenter de suggérer ce qui ne peut être montré, notamment cette peur inhérente à chacun. Le monde de Doherty, celui de ses images fixes comme des ses images en mouvement, est à l’image de Unapproved Road . On y circule la nuit, en voiture, sur des routes qu’on ne devrait pas emprunter. On y est tantôt bourreau, tantôt victime, tantôt chasseur, tantôt chassé et, le plus souvent les deux tout à la fois. La lumière des phares nous révèle des indices qui sont autant d’avertissements. L’obscurité qui nous entoure est, quant à elle, comme chargée de menaces.

Quentin Bajac

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007