Collection

De son passage à l’École nationale supérieure des arts décoratifs, Philippe Cazal a conservé le goût de l’organisation de l’espace, de la mise en page et des relations texte-image. L’artiste fait ses premières armes dans les parages de l’art sociologique, en prenant part aux actions publiques et collectives du groupe Untel (1975-1980) avec Jean-Paul Albinet, Alain Snyers et Wilfrid Rouff. Après la dissolution du groupe, il entreprend un cycle d’œuvres dont toutes les composantes édifient une image glamour de « l’artiste dans son milieu », où celui-ci est environné des signes stéréotypés de la réussite sociale : femmes, champagne et objets de luxe. Ce slogan fonctionne comme la marque déposée de ce qui s’apparente, en fait d’œuvre, à une ligne de produits dont l’artiste assure la promotion en reproduisant les stratégies d’agences publicitaires. Dans le même esprit, il soumet en 1985 à l’agence Minium la conception de son identité graphique : il en résulte un logo facilement lisible et accrocheur, composé en caractères Futura alternativement noirs sur fond blanc et blancs sur fond noir, ou de même avec d’autres couleurs. Dès lors, Philippe Cazal décline cette « griffe » sur tous les produits d’une « collection ». Apposée au coin de cibachromes, estampée dans le métal ou sérigraphiée sur des tableaux de tôle émaillée, elle peut aussi exister en elle-même, sous la forme d’une sorte d’enseigne, comme le montre Collection , parallélépipède minimaliste installé sur un confortable rectangle de tapis-moquette. Il en émerge l’image parfaitement lisse d’un créateur engagé dans une construction faussement autobiographique mais devenue emblématique de la dérive spectaculaire et mercantile du monde de l’art à partir des années 1980.

Arnauld Pierre

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007