Grand lavabo + 3 interrupteurs

Par la réduction de la composition aux éléments essentiels, Grand Lavabo + 3 interrupteurs témoigne d’une volonté de simplification et d’une grande radicalité. Au morcellement et au déchiquetage des formes opérés précédemment succèdent des surfaces découpées qui respectent l’intégrité des éléments qu’elles isolent. Deux zones soigneusement peintes sont délimitées par une bande rouge, l’ensemble baignant dans une lumière artificielle, froide et crue. Les objets représentés sont clairement identifiables – comme le réaffirme le titre de l’œuvre – mais, privés de tout contexte, ils deviennent la source de possibles narrations. Depuis le début des années 1960, la peinture de Klasen suggère avec une impeccable précision et une rigueur quasi chirurgicale la netteté de l’émail ou de l’acier, l’univers stérile et aseptisé des hôpitaux (fauteuil de dentiste, chaise roulante, stéthoscope, chariot d’hôpital, etc.). L’artiste s’intéresse à ce qui se présente le plus souvent comme immaculé : baignoire, bidet, machine à laver ou, comme ici, lavabo et interrupteur. En accentuant l’aspect dur et luisant des objets, il leur confère un éclat impitoyable. Tout à la fois familières et inquiétantes, les images de Klasen, nourries de la banalité implacable du quotidien, génèrent un effet de tension et un sentiment d’angoisse. À partir de 1975, taches, graffitis, traces de fuite d’eau, marques de craie et autres salissures viendront perturber les surfaces régulières et lisses.

Alice Fleury

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007