Central Park
1964
Central Park
1964
Ámbito | Dessin |
---|---|
Técnica | Encre de Chine sur papier |
Medidas | 26,3 x 38,8 cm |
Adquisición | Don de l'artiste, 1976 |
Inventario | AM 1976-1287 |
Información detallada
Artista |
Pierre Alechinsky
(1927, Belgique) |
---|---|
Título principal | Central Park |
Fecha de creación | 1964 |
Ámbito | Dessin |
Técnica | Encre de Chine sur papier |
Medidas | 26,3 x 38,8 cm |
Inscripciones | Signé et daté au crayon, en haut, au milieu : Alechinsky NY 1964 |
Adquisición | Don de l'artiste, 1976 |
Sector de colección | Cabinet d'art graphique |
Inventario | AM 1976-1287 |
Análisis
Parler du dessin dans l’œuvre d’Alechinsky, ce n’est pas se cantonner à un médium, mais évoquer en même temps, nécessairement, son goût du livre et de l’illustration, sa fréquentation des écrivains, sa pratique de l’écriture, sa fascination pour la calligraphie orientale et sa prédilection pour les matériaux ductiles, comme l’encre qui donne à ses œuvres leur fluidité si caractéristique. Parler du dessin chez Alechinsky, c’est donc parler de tout Alechinsky, d’un homme que ne résume aucun qualificatif ou appellation, pas plus « peintre » que « graveur » ou « écrivain », tant, pour lui comme pour son compatriote et ami Henri Michaux, multiplier les pratiques sans tenir compte des frontières de genre, c’est « l’aventure d’être en vie ».
Pour cet ancien du mouvement Cobra, qu’il a rejoint dans les années 1950-1951, le mot d’ordre reste le même : refuser toute spécialisation et faire place à une spontanéité sans frein. Non qu’il y ait, chez cet homme qui passe sans cesse du dessin à la gravure, du tableau à la céramique, une quelconque forme de dispersion, mais tout au contraire parce que, pour lui, l’unité se conquiert dans le multiple. « Dessiner, c’est s’interroger », écrit-il, et l’on pourrait ajouter : dessiner, c’est voyager, être en « roue libre ». S’émerveiller de l’inconnu surgissant au détour de chemins jamais foulés, aller à la découverte du « tout-venant », pour reprendre le titre d’une encre de 1966 dans laquelle, comme à son habitude, il scelle d’une trouvaille de langage la réalité de l’aventure. Selon lui, l’art n’est pas un résultat mais une quête pour laquelle chaque médium ouvre de nouvelles voies. C’est cela, précisément, la création : une pratique, quotidienne et sans fin, un exercice graphique, accompli par « l’autre main » (la gauche), et qui n’a d’autre vocation que de ne pas devenir une habitude. Alechinsky aime les digressions, les diversions, les débords et les chemins de traverse. Son art est fondé sur la surprise, c’est-à-dire sur la rencontre inattendue de la forme née sous son pinceau, offerte par un vieux document trouvé, ou suggérée un jour par une main amie. Ainsi est-ce avec son complice de toujours, le maître des logogrammes Christian Dotremont, qu’il peint le rébus visuel L’homme est un [loup] pour l’homme. Jamais abstrait, évitant sciemment le jeu élégant de la calligraphie, le trait est ici l’outil par lequel s’invente l’image. Figures, mots, faune étrange et flore improbable, cartes de mondes qu’on ne peut réduire à l’opposition trop simple entre réel et imaginaire : Alechinsky est, au sens archéologique de ce terme, un « inventeur » d’inconnu – celui qui, par le jeu incessant de sa main, fait surgir le non-vu qui gisait là, couvait sous roche (Sous le feu, 1967) en attente de celui qui saurait lui donner forme.
Cette chasse joyeuse et exigeante, si elle se manifeste par le mouvement perpétuel, le flux aquatique de l’encre et de l’acrylique, n’en est pas moins liée à un désir de composition. Le trait qui donne vie à l’aventure ne s’abandonne jamais au plaisir un peu gratuit du décoratif ; il vient toujours s’inscrire dans un espace « bâti », souvent quadrillé ou bordé comme pour juguler l’expansion de l’encre et la prolifération des figures. Qu’il utilise le support vierge d’une feuille minuscule ou monumentale, ou que son dessin naisse sur tel ou tel support imprimé, il y a dans toute œuvre d’Alechinsky comme la mémoire de structures héritées. Mémoire de la peinture, bien entendu, mais plus encore mémoire du livre, c’est-à-dire de la page imprimée, avec son pavé de texte et ses marges. Comme l’écrit très justement Yves Peyré : « Alechinsky donne le canevas de sa route, évidemment intracée, dont le relevé précis lui coûtera labeur et hardiesse. Il est en chemin. Ce n’est pas que dans son esprit le sujet central soit insuffisant, pas davantage que l’entourage soit inapte à l’évasion et à l’autonomie, non, tout au contraire, mais il réserve à un certain nombre d’œuvres la jubilation du contrepoint, de la réplique, du répons. Ce geste va se répéter indéfiniment selon les rituels les plus variés. Toutefois, Alechinsky s’en remet à deux modèles attestés par un usage ancien : la prédelle, cette partie basse d’un retable à la fois solidaire et indépendante de l’œuvre qu’elle accompagne en une petite série de scènes complémentaires, ou la marge qui ceinture le cœur de l’œuvre en une danse inédite ou sur un air chantonné autrement […]. » Prédelle et marge, tel un double écho de la grande peinture et de l’annotation propre aux amateurs de livres et aux lithographes. Mais on pourrait aussi parler, après d’autres, de la place de la bande dessinée dont l’artiste, en bon natif de Bruxelles, a dû se souvenir lorsqu’il inventa, à New York en 1965, avec Central Park, la peinture « à remarques marginales » cerclant le motif central de commentaires plastiques. Car c’est aussi cela, la liberté selon Alechinsky, ce mélange de haut et de bas, de références nobles et d’art populaire, dont le frottement, humoristique, mystérieux ou grinçant, fait la force de ses œuvres. Comme le dessin dialogue avec les mots, comme le trait converse avec tel ou tel fond imprimé pour support, la marge et le centre, les vignettes et la zone centrale se parlent en énigmes, non comme des espaces séparés mais telles des images dont le frottement engendre d’obscures révélations.
Pierre Wat
Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008
Análisis
Parler du dessin dans l’œuvre d’Alechinsky, ce n’est pas se cantonner à un médium, mais évoquer en même temps, nécessairement, son goût du livre et de l’illustration, sa fréquentation des écrivains, sa pratique de l’écriture, sa fascination pour la calligraphie orientale et sa prédilection pour les matériaux ductiles, comme l’encre qui donne à ses œuvres leur fluidité si caractéristique. Parler du dessin chez Alechinsky, c’est donc parler de tout Alechinsky, d’un homme que ne résume aucun qualificatif ou appellation, pas plus « peintre » que « graveur » ou « écrivain », tant, pour lui comme pour son compatriote et ami Henri Michaux, multiplier les pratiques sans tenir compte des frontières de genre, c’est « l’aventure d’être en vie ».
Pour cet ancien du mouvement Cobra, qu’il a rejoint dans les années 1950-1951, le mot d’ordre reste le même : refuser toute spécialisation et faire place à une spontanéité sans frein. Non qu’il y ait, chez cet homme qui passe sans cesse du dessin à la gravure, du tableau à la céramique, une quelconque forme de dispersion, mais tout au contraire parce que, pour lui, l’unité se conquiert dans le multiple. « Dessiner, c’est s’interroger », écrit-il, et l’on pourrait ajouter : dessiner, c’est voyager, être en « roue libre ». S’émerveiller de l’inconnu surgissant au détour de chemins jamais foulés, aller à la découverte du « tout-venant », pour reprendre le titre d’une encre de 1966 dans laquelle, comme à son habitude, il scelle d’une trouvaille de langage la réalité de l’aventure. Selon lui, l’art n’est pas un résultat mais une quête pour laquelle chaque médium ouvre de nouvelles voies. C’est cela, précisément, la création : une pratique, quotidienne et sans fin, un exercice graphique, accompli par « l’autre main » (la gauche), et qui n’a d’autre vocation que de ne pas devenir une habitude. Alechinsky aime les digressions, les diversions, les débords et les chemins de traverse. Son art est fondé sur la surprise, c’est-à-dire sur la rencontre inattendue de la forme née sous son pinceau, offerte par un vieux document trouvé, ou suggérée un jour par une main amie. Ainsi est-ce avec son complice de toujours, le maître des logogrammes Christian Dotremont, qu’il peint le rébus visuel L’homme est un [loup] pour l’homme. Jamais abstrait, évitant sciemment le jeu élégant de la calligraphie, le trait est ici l’outil par lequel s’invente l’image. Figures, mots, faune étrange et flore improbable, cartes de mondes qu’on ne peut réduire à l’opposition trop simple entre réel et imaginaire : Alechinsky est, au sens archéologique de ce terme, un « inventeur » d’inconnu – celui qui, par le jeu incessant de sa main, fait surgir le non-vu qui gisait là, couvait sous roche (Sous le feu, 1967) en attente de celui qui saurait lui donner forme.
Cette chasse joyeuse et exigeante, si elle se manifeste par le mouvement perpétuel, le flux aquatique de l’encre et de l’acrylique, n’en est pas moins liée à un désir de composition. Le trait qui donne vie à l’aventure ne s’abandonne jamais au plaisir un peu gratuit du décoratif ; il vient toujours s’inscrire dans un espace « bâti », souvent quadrillé ou bordé comme pour juguler l’expansion de l’encre et la prolifération des figures. Qu’il utilise le support vierge d’une feuille minuscule ou monumentale, ou que son dessin naisse sur tel ou tel support imprimé, il y a dans toute œuvre d’Alechinsky comme la mémoire de structures héritées. Mémoire de la peinture, bien entendu, mais plus encore mémoire du livre, c’est-à-dire de la page imprimée, avec son pavé de texte et ses marges. Comme l’écrit très justement Yves Peyré : « Alechinsky donne le canevas de sa route, évidemment intracée, dont le relevé précis lui coûtera labeur et hardiesse. Il est en chemin. Ce n’est pas que dans son esprit le sujet central soit insuffisant, pas davantage que l’entourage soit inapte à l’évasion et à l’autonomie, non, tout au contraire, mais il réserve à un certain nombre d’œuvres la jubilation du contrepoint, de la réplique, du répons. Ce geste va se répéter indéfiniment selon les rituels les plus variés. Toutefois, Alechinsky s’en remet à deux modèles attestés par un usage ancien : la prédelle, cette partie basse d’un retable à la fois solidaire et indépendante de l’œuvre qu’elle accompagne en une petite série de scènes complémentaires, ou la marge qui ceinture le cœur de l’œuvre en une danse inédite ou sur un air chantonné autrement […]. » Prédelle et marge, tel un double écho de la grande peinture et de l’annotation propre aux amateurs de livres et aux lithographes. Mais on pourrait aussi parler, après d’autres, de la place de la bande dessinée dont l’artiste, en bon natif de Bruxelles, a dû se souvenir lorsqu’il inventa, à New York en 1965, avec Central Park, la peinture « à remarques marginales » cerclant le motif central de commentaires plastiques. Car c’est aussi cela, la liberté selon Alechinsky, ce mélange de haut et de bas, de références nobles et d’art populaire, dont le frottement, humoristique, mystérieux ou grinçant, fait la force de ses œuvres. Comme le dessin dialogue avec les mots, comme le trait converse avec tel ou tel fond imprimé pour support, la marge et le centre, les vignettes et la zone centrale se parlent en énigmes, non comme des espaces séparés mais telles des images dont le frottement engendre d’obscures révélations.
Pierre Wat
Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008
Eventos
Bibliografía
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Alechinsky en el pais de la tinta : Malaga, Centre Georges Pompidou, 19 décembre 2019-12 avril 2020. - Paris, Malaga : Editions des Centres Pompidou, 2019 (reprod. coul. p. 34) . N° isbn 978-84-120748-3-3
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