Ken Jacobs

En 1968, Ken Jacobs obtient de la Library of Congress une copie 16 mm d’un film de 1905 tourné par Billy Bitzer. Tom, Tom, the Piper’s son doit son titre et son déroulement narratif à la comptine éponyme (« Tom, Tom, the piper's son / Stole a pig, and away he ran ») et emprunte comme source visuelle primaire une gravure de William Hogarth, Southwark Fair.

Fasciné par cet objet, par sa composition ainsi que par le récit quasiment initiatique qui s’y joue, Jacobs commence à l’étudier plan par plan. Il l'explore ainsi chez lui, en le projetant et en refilmant l’écran. Il s’attarde sur la scène et ses actions, en ralentissant le défilement et en agrandissant des détails. Dans cette investigation de la surface visuelle du film, le contenu photographique se retrouve par moments pulvérisé dans le tourbillon des grains de la pellicule, et l’analyse de l’objet vire à son atomisation. Enseignant à l’université (d’abord St. John’s University dans le Queens, puis à Binghamton dans l’état de New York), il l’utilise comme support dans son cours d’histoire du cinéma pour illustrer le montage dans le cinéma des premiers temps.

Longtemps considéré comme l’aboutissement d’un travail critique effectué avec des moyens purement visuels, Tom, Tom, the Piper’s Son est également (sinon surtout) une expérience cinématique déroutante, dont on mesure encore aujourd’hui la puissance. Si les commentaires sur le film ne cessent de proliférer, l’œuvre elle-même est restée, au moins en Europe, relativement invisible pendant les vingt dernières années. Depuis 2004, le film n’avait plus été projeté au Centre Pompidou.