Et nos rêves

Et nos rêves est la première tentative d’un film commun, la première expérience d’un film fait à deux.
Il y avait au départ le projet de revenir ensemble sur deux utopies qui avaient traversé la seconde moitié du 20e siècle, deux mouvements à la fois contradictoires et concomitants, le communisme auquel Claudine avait participé et le mouvement hippie auquel avait appartenu Patrice. Une manière de réunir ce qui était au fondement de leur identité de cinéaste, l’expérience politique pour Claudine l’expérience spirituelle pour Patrice.
Ce projet n’a pas abouti mais ils ont gardé le désir d’interroger, à partir d’un voyage en Russie, les traces de ce qui restait de cette utopie communiste. Interroger la mémoire et l’histoire, au présent : ce qu’il en reste aujourd’hui. Claudine propose ainsi à quelques amis qui partageaient le même idéal une expérience cinématographique, filmée par Patrice. L’occasion d’une mise à plat et d’une critique mais aussi d’un retour sur soi-même.
Que faire de ces figures héroïques de l’ouvrier et de la kolkhozienne, images fondatrices d’un idéal qu’ils n’avaient peut-être jamais incarné ? Comment ne pas renoncer à ce que l’on croit quand ce à quoi on a cru est lié de façon inextricable à la trahison, à l'échec et à la mort ? Entre l’évocation d’un idéal et celle de la culpabilité, l’exercice est difficile pour les amis de Claudine et pour Claudine elle-même. A l’image, Claudine est au centre du dispositif tandis que Patrice à la caméra prend la place de l’observateur.
Et nos rêves est une esquisse. Il l’est à deux titres. Le film constitue une expérimentation à partir du cinéma vérité et il interroge : « Est-il possible de convoquer des personnes pour faire un film avec eux » ? Il est aussi la trace d’une recherche entre deux cinéastes qui se confrontent et tentent de construire un espace de travail commun, celui d’un film qui pourrait appartenir à l’un et à l’autre.

Claudine Bories et Patrice Chagnard, Et nos rêves, 2007, 85'