Debate / Encuentro
Pierre Manent
Vers une démocartie dépolitisée ?
29 abr 2004
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L'Etat-nation fut pour nous ce que la cité avait été pour les Grecs anciens : le grand synthétiseur de la vie, capable de réunir l'ordre perfectionné de la civilisation et la féconde incertitude de la liberté. Progressivement l'agrégat d'éléments hétérogènes que nous désignons comme la "féodalité" fut puissamment brassé par les nations en croissance, chacune d'elles concentrant enfin dans l'unité de son essence incomparable tous les contenus de la vie profane et même religieuse.
Avec les guerres du XXe siècle, le grand synthétiseur semble parvenu au terme de son pouvoir, et d'abord de son crédit. Alors les éléments qu'il tenait dans son étreinte s'émancipent. Le commerce déborde toutes les frontières et prend possession de "son territoire, qui est tout l'univers".
La liberté - le gouvernement de soi - rejette les limites nationales pour viser à une démocratie pure dont le seul contenu serait la jouissance des droits de l'homme : une "gouvernance" inédite va nous délivrer enfin du fardeau de gouverner et d'être gouverné et la justice ne sera plus rendue au nom d'un peuple particulier, mais au nom de l'humanité, au nom de l'Autre, s'il est encore besoin de rendre la justice là où règnera l'éthique. Et s'il faut malgré tout un cadre territorial et institutionnel à cette démocratie purement expansive, ce sera l'Union Européenne en voie d'extension indéfinie.
La question est alors : est-il possible de vivre ainsi, sans principe politique d'unité ?
Rousseau nous avertissait : "Rendez l'homme un ; vous le rendrez heureux autant qu'il peut l'être".
"Nous sommes en train de démembrer notre être social et moral. Allons-nous être très malheureux ?" Pierre Manent
Derniers ouvrages parus de Pierre Manent : Cours familier de philosophie politique, 2001, Fayard
Les Libéraux, 1986, réédition 2001, Gallimard
La Cité de l'homme, 1994, réédition 1997, Flammarion
PIERRE MANENT :
VERS UNE DÉMOCRATIE DÉPOLITISÉE ?
L’Etat-nation fut pour nous ce que la cité avait été pour les Grecs anciens :
le grand synthétiseur de la vie, capable de réunir l’ordre perfectionné de la
civilisation et la féconde incertitude de la liberté. Progressivement l’agrégat
d’éléments hétérogènes que nous désignons comme la "féodalité" fut puissamment
brassé par les nations en croissance, chacune d’elles concentrant enfin dans
l’unité de son essence incomparable tous les contenus de la vie profane et même
religieuse. Avec les guerres du XXe siècle, le grand synthétiseur semble
parvenu au terme de son pouvoir, et d’abord de son crédit. Alors les éléments
qu’il tenait dans son étreinte s’émancipent. Le commerce déborde toutes les
frontières et prend possession de "son territoire, qui est tout l’univers". La
liberté - le gouvernement de soi - rejette les limites nationales pour viser à
une démocratie pure dont le seul contenu serait la jouissance des droits de
l’homme : une "gouvernance" inédite va nous délivrer enfin du fardeau de
gouverner et d’être gouverné et la justice ne sera plus rendue au nom d’un
peuple particulier, mais au nom de l’humanité, au nom de l’Autre, s’il est
encore besoin de rendre la justice là où règnera l’éthique. Et s’il faut malgré
tout un cadre territorial et institutionnel à cette démocratie purement
expansive, ce sera l’Union Européenne en voie d’extension indéfinie.
La question est alors : est-il possible de vivre ainsi, sans principe politique
d’unité ? Rousseau nous avertissait : "Rendez l’homme un ; vous le rendrez
heureux autant qu’il peut l’être". Nous sommes en train de démembrer notre être
social et moral. Allons-nous être très malheureux ?
Pierre Manent
Derniers ouvrages parus :
Cours familier de philosophie politique,2001, Fayard
Les Libéraux, 1986, réédition 2001, Gallimard
La Cité de l'homme, 1994, réédition 1997, Flammarion
Jeudi 29 avril, à 19h30, Petite salle
Renseignements :
Christine Bolron, tel : 01 44 78 46 52, mel : cbolron@cnac-gp.fr
Quando
Desde 19:30