Debate / Encuentro
L'Inde : La démocratie est possible hors d'Occident
Christophe Jaffrelot
31 ene 2008
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L'Inde s'enorgueillit à juste titre d'être depuis son indépendance « la plus grande démocratie du monde ». Nul ne lui conteste plus cette qualité. La pleine reconnaissance de cette réalité a cependant tardé à venir. Ainsi, en Europe et aux Etats-Unis, nombre de bons esprits considéraient-ils que la démocratie en Inde ne pouvait être qu'éphémère dans la mesure où auraient manqué les facteurs qui assurent la stabilité de ce type de régime (éducation de masse, niveau de vie, mobilité sociale).
S'il ne s'agit pas de dénier la réalité des obstacles que la démocratie a eu à surmonter, ne peut-on aussi suggérer que cette incrédulité reposait sur quelque préjugé ? Par exemple, qu'une démocratie pleine et entière ne pourrait exister qu'en « Occident » (comme on disait alors), ou du moins que les cheminements par lesquels celle-ci pouvait progresser devaient être identiques. Or, certains des facteurs qui ont rendu possibles l'établissement de la démocratie en Inde tiennent aux affinités électives entre certaines traditions culturelles et la démocratie.
Non que ces traditions (la fragmentation du pouvoir liée à l'impossible centralisation de l'Etat et la dévalorisation de l'autorité politique par rapport à la cohésion sociale) fussent, en tant que telles, marquées au coin de la démocratie, mais elles ont pu favoriser son instauration en jugulant la tentation du despotisme.
Cependant, les mêmes pratiques qui s'accordaient bien avec l'établissement d'une démocratie parlementaire auraient pu faire durablement obstacle à son approfondissement en pérennisant la main mise des élites sociales sur un système politique progressivement discrédité aux yeux de la population. Or, en dépit des manœuvres obscures, des scandales, et même de graves crises, on constate au contraire un renforcement de l'Etat de droit et une «démocratisation de la démocratie», pour reprendre la belle formule de Christophe Jaffrelot.
Deux facteurs ont favorisé ce développement: le rôle des hommes de loi - en particulier de la Cour suprême - et celui des castes, comme outil paradoxal de promotion sociale et politique.
Un tel processus est un facteur d'espoir ; pour l'Inde évidemment, pour les pays qui accèdent à la démocratie à travers des histoires et des traditions différentes, il peut être aussi riche d'enseignements sur les moyens de surmonter le malaise dont pâtissent nos vieilles démocraties
Christophe Jaffrelot est directeur du CERI (Sciences Po) et directeur de recherche au CNRS.
Dernière publication : Inde : la démocratie par la caste (Fayard, 2005)
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Avec Christophe Jaffrelot
L’Inde s’enorgueillit à juste titre d’être depuis son indépendance « la plus
grande démocratie du monde ». Nul ne lui conteste plus cette qualité. La
pleine reconnaissance de cette réalité a cependant tardé à venir. Ainsi, en
Europe et aux Etats-Unis, nombre de bons esprits considéraient-ils que la
démocratie en Inde ne pouvait être qu’éphémère dans la mesure où auraient
manqué les facteurs qui assurent la stabilité de ce type de régime (éducation
de masse, niveau de vie, mobilité sociale).
S’il ne s’agit pas de dénier la réalité des obstacles que la démocratie a eu à
surmonter, ne peut-on aussi suggérer que cette incrédulité reposait sur
quelque préjugé ? Par exemple, qu’une démocratie pleine et entière ne pourrait
exister qu’en « Occident » (comme on disait alors), ou du moins que les
cheminements par lesquels celle-ci pouvait progresser devaient être identiques.
Or, certains des facteurs qui ont rendu possibles l’établissement de la
démocratie en Inde tiennent aux affinités électives entre certaines traditions
culturelles et la démocratie. Non que ces traditions (la fragmentation du
pouvoir liée à l’impossible centralisation de l’Etat et la dévalorisation de
l’autorité politique par rapport à la cohésion sociale) fussent, en tant que
telles, marquées au coin de la démocratie, mais elles ont pu favoriser son
instauration en jugulant la tentation du despotisme.
Cependant, les mêmes pratiques qui s’accordaient bien avec l’établissement
d’une démocratie parlementaire auraient pu faire durablement obstacle à son
approfondissement en pérennisant la main mise des élites sociales sur un
système politique progressivement discrédité aux yeux de la population. Or, en
dépit des manœuvres obscures, des scandales, et même de graves crises, on
constate au contraire un renforcement de l’Etat de droit et une «
démocratisation de la démocratie », pour reprendre la belle formule de
Christophe Jaffrelot. Deux facteurs ont favorisé ce développement: le rôle des
hommes de loi – en particulier de la Cour suprême - et celui des castes, comme
outil paradoxal de promotion sociale et politique.
Un tel processus est un facteur d’espoir ; pour l’Inde évidemment, pour les
pays qui accèdent à la démocratie à travers des histoires et des traditions
différentes, il peut être aussi riche d’enseignements sur les moyens de
surmonter le malaise dont pâtissent nos vieilles démocraties
Christophe Jaffrelot est directeur du CERI (Sciences Po) et directeur de
recherche au CNRS. Dernière publication : Inde : la démocratie par la caste
(Fayard, 2005)
Conférence diffusée en direct sur internet
Le jeudi 31 janvier 2008, 19h30, Petite salle, niveau -1
Entrée libre dans la mesure des places disponibles
Renseignement
Christine Bolron, 01 44 78 46 52, fax : 01 44 78 12 03, @ :
christine.bolron@centrepompidou.fr
Des places sont réservées pour les lecteurs d'Artpress
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En partenariat avec :
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Quando
Desde 19:30