Performer, enregistrer

Si la performance constitua à l’origine une protestation contre le marché de l’art et la mise en vente d’objets artistiques, les documents produits par l’enregistrement des performances (photographies, films et vidéos) devinrent de nouveaux objets de commerce. En effet, dans les années 1960-1970, certains artistes décidèrent de sortir du système mercantile des galeries d’art et du système institutionnel des musées en diffusant par la télévision l’enregistrement de leur performance. Une fois enregistrée, la performance n’était donc pas seulement conservée et archivée, elle était aussi retransmise et diffusée par certaines chaînes et émissions de télévision.

Un documentaire sur les performances faisait ainsi œuvre de pédagogie (Hans Emmerling). Une émission TV devenait une galerie d’art tout à fait moderne (Gerry Schum). La retransmission en direct de trois performances était la véritable performance (Nam June Paik). Mais cette volonté démocratique de diffusion de la performance au plus grand nombre fut de nouveau récupérée par le système capitaliste. Aussi certains artistes, à partir des années 1970, s’ingénièrent-ils à parasiter les émissions télévisées de différentes manières. En diffusant leurs performances dans un encart publicitaire pour faire leur autopromotion ils créaient un nouveau type de performance, critique, par exemple (Chris Burden). Et s’incruster dans une émission TV pour expliquer comment consommer sans payer constituait une double performance (Matthieu Laurette). Ce parasitage des émissions télévisées par les artistes, transformant une retransmission en performance, a constitué une critique de la société de consommation.

Hans Emmerling, Joseph Beuys und Seine Klasse (Beobachtungen, Gespräche, Fragen), 1971, vidéo, nb, sonore, 42’35’’ (extrait)

Gerry Schum, Identifications, 1970, film 16 mm, noir et blanc, sonore, 37’38’’ (extrait « Joseph Beuys »)

Joseph Beuys, Documenta 6 Satellitensendung (Documenta 6, émission par satellite), 1977, vidéo, couleur, sonore, 29’03’’

Chris Burden, Documentation of selected works, 1971-74, video, noir et blanc, couleur, sonore, 35’ (extrait “Through the Night Softly”)

Chris Burden, Documentation of selected works, 1971-74, video, nb, couleur, sonore, 35’ (extrait “TV Ad”)

Matthieu Laurette, Apparitions (sélection 1993-95) 1995, vidéo, cl, son, (extrait « J’y crois ! J’y crois pas »)