Jean-Yves Jouannais : L'Encyclopédie des guerres

On peut estimer que la onzième conférence-performance commence avec l'entrée « Dick Philip K. » et s'achève avec l'entrée « Dru », en passant, entre autres, par « Douter », « Dressage ».

« MÈRE UBU :
Il n'y a qu'un parti à prendre, Père Ubu.
PÈRE UBU :
Lequel, mon amour ?
MÈRE UBU :
La guerre !! »
(Alfred Jarry, Ubu roi, Acte III, scène VII, 1896)

« J'ai eu l'occasion, lors de la dernière conférence avant la paix de l'été, de montrer et de commenter un portrait de mon grand-père paternel. C'était à l'occasion d'un retour inattendu à une entrée antérieure de l'Encyclopédie des guerres bizarrement intitulée « Costume de bain ». Quelque chose a basculé là, de manière non préméditée, mais que je pense décisive.

De même que je m'entends répéter que cette Encyclopédie des guerres, je la crée et la dis en ventriloque, je me prends à le croire. De toute éternité, une histoire des guerres, ou les histoires d'une guerre, se devaient d'être racontées par un père ou un grand-père à l'enfant. Nous ne parlons pas là d'une initiation ou d'un rituel de passage à l'âge adulte, mais d'une sorte de musique folklorique, d'un héritage en forme de ritournelles qui façonnaient en vecteurs et en indicateurs de temps le pénible et laborieux agrégat des générations.

Le bonheur d'être moderne ayant aujourd'hui épargné l'expérience de la guerre à plus d'une génération, chacun doit prendre en charge ce récit. De même que l'on se dépêche d'apprendre aux enfants à lire pour échapper au plus vite, en tant qu'adulte, à l'épreuve de l'histoire du soir, c'est à chacun d'entre nous de nous raconter cette épopée. Et de se la raconter en schizophrène, dans la peau, avec le grain d'une voix, portée par une émotion qui auraient été ceux d'un ancêtre. Ou comment apprendre seul une langue étrangère, en vue d'expéditions dans des contrées qui ont cessé d'exister pour nous.

Aussi cette aventure littéraire hors du livre aurait-elle pu s'appeler, paraphrasant Joseph Beuys, Comment se faire expliquer les guerres par un grand-père mort. Et je me rends progressivement compte d'un détail. C'est que je finis peu à peu par être ce grand-père, cette figure caricaturale des réunions familiales qui épuise et lasse son entourage au fil des années par ses récits sans fin, ses anecdotes, ses souvenirs personnels et le détail indigeste de ses équipées militaires. »