Espectáculo / Concierto
Félicie d’Estienne d’Orves / Éliane Radigue
Continuum
18 may 2019
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Longtemps on a espéré la vie sur Mars, et quoiqu’on n’y en ait point trouvé, la quatrième planète du système solaire demeure une source d’inspiration. Mars est un symbole de l’extra-terrestre, une métaphore de l’altérité. Dans Continuum Félicie d’Estienne d’Orves a imaginé un film en hommage à la pionnière de la musique électronique Éliane Radigue (née en 1932). Son installation immersive réalisée à partir d’images prises par les sondes de la NASA montre un coucher de soleil sur Mars d’une heure environ accompagnant « Koumé », la troisième partie de Trilogie de la mort.
Au départ, la compositrice avait imaginé une œuvre inspirée duBardo Thödol, ou le Livre des morts tibétain (le bardo constitue dans le bouddhisme tibétain ce stade intermédiaire entre la naissance et la renaissance, l’éveil et le sommeil). Il s’agit de la première partie de la trilogie « Kyema ». Mais un événement tragique frappe Éliane Radigue alors qu’elle vient de terminer sa pièce. « Kyema » sera dédiée à titre posthume à son fils. Et le deuil comme un voile d’envelopper la pièce qui suit. « Kailasha », la seconde partie, est à la fois un pèlerinage et un mémorial. Éliane Radigue qui avait cru en rester là part pour la crémation de son maître tibétain au Népal – « une expérience profonde » – la composition d’une troisième partie s’impose à elle : « À partir de ce moment-là, je n’eus plus de doute sur l’aspect transcendantal de la mort, et la musique aussi ce fit plus claire. » (1) Koumé nous dit que la fin n’est pas la fin – « Éternité d’un perpétuel de-venir ». Cette vision de la mort comme autre état de la vie Félicie d’Estienne d’Orves la partage avec la musicienne. Cycle, circonvolution, révolution, renaissance tous ces thèmes imprègnent et irriguent Continuum.
Le paysage martien conçu par Félicie d’Estienne d’Orves évolue à travers différentes phases de couleurs, déployant des ciels allant progressivement de l’orange au bleu jusqu’au crépuscule, à rebours de notre coucher de soleil terrien. La composition minimaliste d’Éliane Radigue fait écho à ces champs monochromes, tenant en un seul souffle, profond. Le temps et l’espace ne sont alors que rêve et, telle une brume, se dissolvent dans le visuel et le sonore. Comme dans d’autres œuvres de Félicie d’Estienne d’Orves, tel Éclipse, un monumental disque noir nimbé de lumière blanche : ce que l’on voit n’est pas forcément ce qu’on a l’impression de voir : l’obstruction d’un astre par l’ombre. Tout dépend du point de vue. Le masque de ténèbre est peut-être le visage de l’infini. What you see is not what you get. Contempler est l’acte premier, voir c’est se relier à un au-delà du voir. La surface chez la plasticienne est interface. La frontière n’est pas limite mais horizon. L’œil est relationnel dans la mesure où il s’ouvre sur le monde, y laisse pénétrer sa lumière. Dans la religion indienne, Brahma, le créateur, assis sur le lotus qui pousse à l’endroit du nombril de Vishnu dormant sur le serpent sans fin Ananta, ouvre l’œil : un univers apparaît ; Brahma ferme les yeux : un univers disparaît. Ainsi chaque jour et chaque nuit du démiurge correspondraient à l’apparition et à la disparition des galaxies. « Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie », s’écrie l’inquiet Pascal, mais il est une autre manière de voir. Si nous sommes dans un flux, un continuum, peu nous chaut la longueur, la longévité, seule compte la profondeur. Le « phénomène » n’est décevant que s’il y a une « chose en soi » cachée et inaccessible qui à jamais nous fuit. Mais cette course même, ce mouvement ondulatoire dont nous sommes les existentielles expressions ne cesse pas.
Continuum joue avec l’idée d’illusion optique et cosmique : sur Terre comme sur Mars le soleil ne se couche jamais.
Sean Rose
(1) citation d’Éliane Radigue tirée du livret de Trilogie de la Mort
Un projet de Félicie d’Estienne d’Orves
Musique Éliane Radigue
Spatialisation sonore Emmanuel Holterbach
Lumières Remi Godfroy
Programmation Guillaume Jacquemin
Production exécutive Olivia Sappey
Production Les Spectacles vivants - Centre Pompidou
Avec la participation du DICRéAM/CNC
Avec le soutien de Arcadi Île-de-France, de STARTS residencies, Biennale Chroniques, Novelty, Le Fresnoy
Avec la collaboration scientifique des Dr François Forget - Laboratoire de Météorologie Dynamique / Jussieu, Dr Dan McLeese - Chief Scientist pour le JPL/Caltech (USA), Dr William Rapin, Caltech (USA), Dr Mark Lemmon - A&M University, (USA)
Quando
Desde 20:30