Debate / Encuentro
Soirée d'étude autour de l'oeuvre poétique de Latiff Mohidin
en présence de l’artiste et de Goenawan Mohamad
28 feb 2018
El evento ha terminado
A l’occasion de l’exposition Latiff Mohidin : Pago Pago (1960-1969) présentée au Centre Pompidou en collaboration avec la National Gallery Singapore, l’évènement Who Will Bear The News propose une rencontre entre Latiff Mohidin et Goenawan Mohamad autour de leurs œuvres littéraires et poétiques respectives. Cette soirée d’étude prend pour point de départ les questionnements ayant animé le travail de Latiff Mohidin au milieu des années 1960 alors qu’il parcourt une Europe divisée et une Asie du Sud-Est insurgée, période durant laquelle il fait la connaissance de Goenawan Mohamad.
A travers diverses évocations de leur œuvre poétique dans ces années, Terence Ward et Idanna Pucci animeront un échange entre les deux intellectuels, dont le syncrétisme culturel d’avant-garde prit racine dans leurs expériences en Europe autant que dans leurs cultures malaisienne et indonésienne respectives, formulant de nouveaux langages artistiques, dialogues et narrations.
L’évènement emprunte son titre au poème Who Will Bear The News[Qui osera annoncer] écrit par Latiff Mohidin le 2 mars 1964 à Colombo (Sri Lanka). Il est alors de retour vers la Malaisie après ses études en Europe, et se trouve sur le Viet-Nam, paquebot français sur lequel il a embarqué à Marseille. Il se souvient : « les passagers n’étaient autorisés à descendre à terre pour voir le port de Colombo que quelques heures. De ma vie entière je n’avais jamais vu autant de dockers aussi maigres et affamés. Des centaines d’entre eux étaient en mouvement permanent ici et là. Soudain j’ai entendu de l’agitation. J’ai couru vers le navire alors que certains des passagers commençaient à grimper aux cordages. Je ne savais pas ce qu’il se passait. Je n’ai pas dormi cette nuit-là. En partie parce que mon compagnon de chambre était un magicien saoul et particulièrement bruyant. Dans le poème, il y a trois mots distincts : aube, fleur, et amour. Ils me vinrent tous trois alors que je regardais l’immensité de la nuit sur l’océan à travers le petit hublot de ma cabine. Encore aujourd’hui je ne sais pas d’où me vint l’anxiété de cette nuit. Etait-ce dû au trouble sur le port ? Bien sûr, des années plus tard, comme vous le savez, une terrible et longue guerre eût lieu au Sri Lanka ».
Programme
19h – Accueil par Bernard Blistène, Directeur du Musée national d’art moderne (MNAM-CCI), et Eugene Tan, Directeur de la National Gallery Singapore.
19h15 – Présentation de l’exposition par les commissaires Catherine David – Directrice adjointe du MNAM-CCI en charge de la recherche et de la mondialisation – et Shabbir Hussain Mustafa – conservateur en chef à la National Gallery Singapore.
19h30 – Présentation des œuvres poétiques de Latiff Mohidin et Goenawan Mohamad dans le contexte littéraire et artistique du Sud-Est asiatique des années 1960, par Terence Ward.
20h – Dialogue entre Latiff Mohidin et Goenawan Mohamad, modéré par Terence Ward.
20h30 – Lecture de poèmes de Latiff Mohidin et Goenawan Mohamad par les auteurs et Idanna Pucci.
L’essentiel des interventions se feront en anglais
Quando
19:00 - 20:30
Dónde
Bibliographie sélective
Latiff mohidin
MOHIDIN Latiff, G.A.R.I.S. Latiff Mohidin dari titik ke titik, Kuala Lumpur, Dewan Bahasa dan Pustaka, 1988, édité en anglais sous le titre L.I.N.E. Latiff Mohidin From Point To Point, trad. Adibah Amin, Kuala Lumpur, Dewan Bahasa dan Pustaka, 1993
MOHIDIN Latiff, Sungai Mekong : Antoloji sajak, Kuala Lumpur, Dewan Bahasa dan Pustaka, 1972, édité en anglais sous le titre Mekong River, trad. Mansor Ahmad Saman, Kuala Lumpur, Dewan Bahasa dan Pustaka, 1981, édité en français sous le titre Le Mekong, trad. Brigitte Bresson, Kuala Lumpur, Institut Terjemahan & Buku Malaysia, 2009
MOHIDIN Latiff, Sajak-sajak Dinihari, Kajang, Makruf Publishing, 1966, édité en anglais sous le titre Fables of Dawn : Selected Poems, trad. Salleh Ben Joned, Petaling Jaya, Maya Press, 2003
SABAPATHY T.K. (éd.), Pago-Pago to Gelombang : 40 years of Latiff Mohidin : 15 April-8 May 1994, Singapour, Singapore Art Museum, 1994
Goenawan Mohamad
MOHAMAD Goenawan, Faith In Writing: Forty Years of Essays, trad. et introd. Jennifer Lindsay, préf. Terence Ward, Singapour, Singapore University Press, 2016
MOHAMAD Goenewan, In Other Words: 40 Years of Writing on Indonesia, trad. Jennifer Lindsay, New York, Skyhorse Publishing, 2017
MOHAMAD Goenawan, Sidelines: Thought Pieces from Tempo Magazine, trad. Jennifer Lindsay, Sheffield, Equinox Publishing, 1994
MOHAMAD Goenawan, Goenawan Mohamad: Selected Poems, trad. et éd. Laksmi Pamuntjak, Jakarta, KataKita, 2004
Biographies des intervenants
Latiff Mohidin
Né en 1941, Latiff Mohidin est considéré comme le poète et peintre moderne majeur de Malaisie. Sa passion pour la peinture et le dessin se manifeste dès son plus jeune âge, et il est surnommé « l’enfant prodige » dès sa première exposition en 1953 – il alors 12 ans – à la Kota Raja Malay School de Singapour.
En 1960 il bénéficie d’une bourse DAAD (Deutscher Akademischer Austauschdienst) lui offrant l’opportunité d’étudier à la Hochschule für Bildende Künste à Berlin Ouest. A son retour en Asie du Sud-Est en 1964, il entreprend un long voyage à travers l’Asie où il noue des liens et engage un dialogue avec plusieurs intellectuels et artistes d’avant-garde de l’époque – parmi lesquels Goenawan Mohamad qu’il rencontre à Jakarta en 1967 –, échanges toujours vifs aujourd’hui. Pour Latiff Mohidin cette période est « Pago Pago », expression qu’il a inventé pour définir un mode de pensée et de travail qui puisse traduire les idiosyncrasies régionales en une esthétique originale.
En 1969, Latiff Mohidin se voit attribuer une bourse du ministère français de la Culture pour étudier la gravure à l’atelier parisien Lacourière-Frélaut, puis la bourse John D. Rockefeller III pour une résidence au Pratt Institute de New York.
Reconnu en tant que poète avec la publication en 1971 de son recueil Sungai Mekong, traduit en de nombreuses langues (en français : Le Mekong, trad. par Brigitte Bresson, Kuala Lumpur, Institut Terjemahan & Buku Malaysia, 2009), la poésie de Latiff Mohidin est – tout comme son œuvre picturale – une errance méthodique résistant aux assignations idéologiques ou doctrinales. Ses anthologies offrent plutôt une interrogation profonde du monde intérieur de l’artiste. Nombre de ces pensées se retrouvent dans G.A.R.I.S. Latiff Mohidin dari titik de titik (L.I.N.E. Latiff Mohidin From Point To Point, non traduit en français), un livre publié en 1988 et témoignant d’un grand talent littéraire. Une grande part de l’univers littéraire et pictural de Latiff Mohidin est aussi fortement inspiré de certaines œuvres de Jorge Luis Borges, Chairil Anwar* et Johann Wolfgang von Goethe entre autres. Dépassant les frontières des disciplines visuelle et littéraire, Latiff Mohidin publie en 2012 sa traduction de la première partie du Faust de Goethe, un personnage qui le fascine depuis sa découverte de la littérature allemande au début des années 1960. Latiff Mohidin vit et travaille sur l’île de Penang, en Malaisie.
*Chairil Anwar, dont Latiff Mohidin a fait un portrait posthume très reproduit – Aku |Moi], National Gallery Singapore – en 1958, est un poète indonésien né en 1922 et membre de la « Génération de 1945 » (Angkatan 45) issue de l’indépendance. Il meurt prématurément à 26 ans en 1949
Goenawan Mohamad
Goenawan Mohamad est un poète et homme de lettre indonésien né en 1941 à Batang, sur l’île de Java. Il grandit dans une famille politiquement engagée. Son père – un activiste de gauche – est exilé par les forces coloniales néerlandaises au camp de Boeven Digoel en Papouasie occidentale puis exécuté en 1947 à son retour à Java, deux ans avant l’indépendance. Goenawan Mohamad étudie la psychologie et la philosophie en Indonésie dans les années 1960, et traduit très tôt des œuvres d’Emily Dickinson et Guillaume Apollinaire. En réaction à la « démocratie guidée » mise en place par Soekarno – président fondateur de l’Indonésie – qui prône un « réalisme socialiste » dans les arts, Goenawan Mohamad et un groupe d’intellectuels signent en 1963 un « Manifeste sur la culture » (Manifes Kebudayaan) qui sera interdit après une violente campagne politique. Goenawan Mohamad est alors soumis à la censure de ses œuvres, qu’il connaîtra tout au long de sa carrière littéraire et journalistique. Sa poésie puise dans diverses sources comme les légendes Javanaise, le Mahabharata, la Bible, la mythologie ou l’art contemporain. Il reçoit pour son œuvre littéraire et poétique le SEA Write Award en 1981, l’A. Teeuw Award en 1992 et l’Achmad Bakrie Award en 2004. Ses recueils de poésie les plus remarqués sont Pariksit (1971), Interlude (1973), Asmaradana (1992), Sarajevo (1998), Complete Poems of Goenawan Mohamad 1961–2001 (2001) et Goenawan Mohamad: Selected Poems (2004).
Goenawan Mohamad a par ailleurs fondé en 1971 le magazine Tempo [Time] – l’un des plus respecté d’Indonésie – fermé en 1994 pour avoir critiqué le régime de Soeharto et qui ne reprendra qu’en 1998 à la démission de celui-ci. Il est un fervent défenseur de la liberté de la presse et fonde en 1995 l’Institute for Studies in the Free Flow of Information (ISAI), plateforme de diffusion qui recense notamment les cas de censure. Il créera plus tard l’Alliance of Independent Journalists, la seule organisation de journalistes indépendants en Indonésie, et reçoit de nombreux prix pour son engagement journalistique. Le World Press Review le nomme International Editor of the Year en 1999, et il reçoit en 2006 le Dan David Prize pour son travail dans les champs de la poésie, de la littérature, du journalisme et de la défense de la liberté d’expression. Goenawan Mohamad continue d’écrire des éditoriaux dans la presse, de la poésie, du théâtre expérimental et de la prose. Il vit à Jakarta en Indonésie.
Idanna Pucci & Terence Ward
Idanna Pucci passe sa jeunesse à Florence avant d’étudier la langue indonésienne et la culture balinaise, en particulier les mythes transmis par la tradition orale. Pour Asia Magazine elle se rend au Népal, en Thaïlande, au Laos, en Malaisie, au Vietnam et au Japon, avant de traverser l’URSS avec le dernier Transsibérien à vapeur. A Bali elle continue ses recherches sur l'ancienne cour de justice située à Klungkung, capitale royale sacrée du peuple balinais. Cette étude la mène à la publication de l’ouvrage The Epic of Life: A Balinese Journey of the Soul (1985) qui deviendra une référence sur la culture balinaise. Après des études en littérature comparée, elle est diplômée à Genève en Humanitarian Assistance. Elle participe ensuite au Timor Est à la mission ONU comme responsable de sièges électoraux dans la région de Same, et collabore au Burma Project de l'Open Society Fondation qui la conduit au Myanmar. En 2005 elle publie Against All Odds: The Strange Destiny of a Balinese Prince où elle raconte la vie du prince Madé Djelantik, médecin et grande personnalité dans l'histoire récente de l’Indonésie. Idanna Pucci mène par ailleurs depuis de plusieurs années un important travail de recherche sur les luttes de certaines femmes au XIXe siècle contre les inégalités, les migrations forcées, la peine de mort et la destruction de l’environnement. Ce travail s’est accompagné de plusieurs publications et expositions, et fut récompensé de nombreux prix en Italie et à l’étranger. Idanna Pucci est membre du comité de Religions for Peace (RfP) et du comité international de la Scuola di Bionarrazione de Anghiari en Italie. Elle vit entre Florence et New York.
Terence Ward est né à Boulder, Colorado et a grandi en Arabie et en Iran. Après avoir été diplômé en Sciences Politiques à l'université de Berkeley en Californie, il poursuit ses études à l'Université américaine du Caire et se concentre sur l’histoire du Moyen Orient et les mouvements politiques islamiques contemporains. Il obtient plus tard son MBA à l'International Management Institute de Genève.
Il est consultant auprès de sociétés multinationales, de fondations et de gouvernements dans le monde islamique et en Occident. Envoyé sur diverses missions humanitaires, il collabore avec la Fondation Open Society en Birmanie et l'Organisation des Nations Unies au Timor oriental. Parallèlement, il publie en 2002 Research for Hassan (A la recherche d’Hassan, Editions Intervalles, Paris, 2006) une évocation originale de son enfance iranienne dans les années 1970 et son retour dans le pays en 1998. Il se partage depuis quelques années entre Florence, Bali et New York.