Carte blanche Lowave / Résistance(s)

« Créer n'est pas communiquer, mais résister. » Gilles Deleuze, Pourparlers

A l'occasion de la sortie du deuxième volume dvd de la collection Résistance(s), Lowave propose une sélection de 8 films et vidéos issus des deux programmes.

La collection Résistance(s) offre un panorama de la création contemporaine du Maghreb et Moyen Orient et démontre à quel point l'art cinématographique arabe occupe une place importante dans la production artistique actuelle. Grands voyageurs, les auteurs ont forgé leur identité au contact des cultures qu'ils ont assimilées au cours de leurs migrations et de leurs exils. Tout en privilégiant une approche artistique où le visuel prend le pas sur la narration, les artistes présentés se pose des questions fondamentales d'ordre existentiel, politique et esthétique. Le rapport entre le passé et le présent, la tradition et la modernité, l'entre-deux géographique et culturel, l'émigration et le déracinement, l'identité et l'autre, sont les thèmes centraux abordés dans le présent programme.

En proposant un autre regard les auteurs résistent aux images médiatiques et aux façons habituelles de voir et de juger l'actualité de la région. Les films ne s'oppose néanmoins pas directement à un système : leur résistance se manifeste d'avantage dans le fait de penser et de filmer, dans la matière même de l'image et du son. Ce ne sont pas des films politiques mais des manières de faire politiquement du cinéma, de résister par la création de manière positive.

Transit

De Taysir Batniji

Palestine / 2004 / 8'

La vidéo Transit de Taysir Batniji soulève la question des frontières.

L'artiste palestinien propose un diaporama silencieux, constitué d'images photographiques, qu'il a réalisées clandestinement dans les lieux de passage entre l'Egypte et Gaza. Les photographies montrent l'attente, et alternant avec des écrans noirs, métaphores du vide et du temps qui passe, reflètent les conditions de la difficile - voire impossible - mobilité des Palestiniens aujourd'hui.

Straight Stories - Part 1

De Bouchra Khalili

Maroc/France / 2006 / 10'

Elément d'un triptyque en cours sur la migration racontée par des migrants eux-mêmes

Don't do to her what you did to me

De Zineb Sedira

Dans cette vidéo l'artiste algérienne Zineb Sedira aborde la question de l'identité dans son lien inextricable avec la religion, la culture et le sexe.

A travers la réinterprétation d'un talisman musulman, l'œuvre est une puissante évocation du rituel et de l'héritage. Une main féminine écrit la phrase "Don't Do to Her What You Did to Me" sur les photos d'identités d'une jeune fille, puis elle les plonge dans un verre d'eau dans lequel l'encre se dilue comme de la fumée

Dieu me pardonne

De Mounir Fatmi

Maroc / France / 2001-2004 / 8'15

Dans sa vidéo Dieu me pardonne, Mounir Fatmi analyse l'impact des images télévisuelles. Un hadith, propos rapporté du prophète Mahomet concernant la femme, sert de fil conducteur : « Le premier regard porté sur la femme est pour vous, le deuxième est pour le diable, le troisième est un crime. »

Des enregistrements tirés de différents programmes télévisés - allant des images d'actualité aux images pornographiques - se juxtaposent, se superposent et s'entrelacent pour former un ensemble intrigant. Il en résulte un réseau d'associations riche et dense qui transforme le sens primaire des images et interroge le spectateur sur la pauvreté de la télévision.

Géographie imaginaire

De Pauline M'Barek

Tunisie / Allemagne / 2005 / 15'

Le film se base sur des observations très intimes que l'artiste a faites pendant les préparations et les rituels traditionnels, à l'occasion du mariage de sa cousine en Tunisie. Le lieu visité est une surface de projection d'images d'un désir d'une "culture inchangée". C'est en cela qu'il représente une géographie inventée ou imaginaire.

Un film comme un rêve étrange et vaguement obscur d'une chaude journée étendue à l'infini, où c'est seulement par des gestes, des expressions de visages et surtout des bruits que l'on peut pressentir ce qui est en train de se passer.

Untitled part 3B : (as if) beauty never ends

De Jayce Salloum

Liban / Canada / 2003 / 11'22

L'essai vidéo untitled part 3b: (as if) beauty never ends de Jayce Salloum superpose des images d'orchidées en éclosion avec des images des camps de réfugiés palestiniens, après le massacre de Sabra et Shatilla en 1982.

Comme l'évoque le titre, la beauté persisterait, même dans les situations les plus désespérées. Présent et actualité politique sont étroitement liés à travers le récit d'Abdel Majid Fadl Ali Hassan, réfugié palestinien de la génération de

1948. Il revient dans les décombres de son ancienne maison pour y affronter l'histoire passée.

Allahu akbar

De Usama Alshaibi

Irak / USA / 2003 / 5'10

Le rythme et la répétition jouent un rôle important dans l'animation Allahu Akbar d'Usama Alshaibi. De façon ludique, le vidéaste irakien s'interroge sur la confrontation entre tradition et modernité. Sa vidéo s'inspire des motifs géométriques de l'art islamique ancien. L'artiste propose une réinterprétation de ces motifs en les animant par ordinateur. En les tournant dans tous les sens, de nouvelles images sont générées qui, en se renouvelant constamment, libèrent les formes de leur état figé. Les valeurs spirituelles de la tradition viennent nourrir le présent et ouvrir sur un regard moderne.

Jalal toufic saving face

Liban, 2003, 8'

Les visages de tous les candidats affichés sur les murs du Liban lors de la campagne pour les élections législatives de 2000 attendaient-ils le résultat des élections ? Non. En tant que visages, ils attendaient d'être sauvés. Bien mieux que n'importe quel lifting chirurgical ou retouche numérique, c'était l'enlèvement physique d'une partie de l'affiche du visage d'un candidat, qui laissait apparaître partiellement, en dessous, le visage d'un autre candidat ; mais aussi l'accumulation d'affiches et de photographies les unes sur les autres qui produisaient le lifting le plus efficace, et se révélaient une façon réussie de sauver les visages de tous ceux concernés.

Nous avons dans ces affiches recombinantes l'un des sites où la culture libanaise en particulier, et la culture arabe en général, embourbées dans une vision organique du corps, s'exposent à des corps non organiques.