Questions à Marcel Gauchet

Si on se place du côté des symptômes, on serait tenté de penser qu'à l'issue de l'élection présidentielle, la démocratie française sort subitement guérie de la maladie de langueur qui semblait inexorablement la miner. Un très fort mouvement d'inscription sur les listes électorales (3,3 millions d'inscrits supplémentaires par rapport à 2002), une participation massive aux deux tours de l'élection présidentielle (84%) n'ont-ils pas signifié la fin du désintérêt pour la chose politique voire le retour de la passion démocratique ?

Parallèlement, le total des suffrages qui se sont portés dès le premier tour sur les deux candidats arrivés en tête (57%), le retour à un duel traditionnel gauche/droite au second tour, le recul voire l'effondrement de l'extrême droite, semblent témoigner d'une adhésion renouvelée au principe de l'alternance (entre la droite libérale et la social-démocratie) couramment considéré comme un signe de bonne santé des démocraties européennes.

On pourrait ajouter d'autres éléments d'analyse qui viendraient renforcer ou démentir un optimisme raisonnable sur l'état de la démocratie ; on serait également tenté, à chaque développement nouveau de la situation politique, d'enrichir ou de modifier les termes de notre interrogation. Nous nous en garderons cependant puisque c'est justement un des objets de la discussion de faire la part entre les péripéties sans conséquence et les faits qui annoncent des développements durables.

Ainsi se trouvent esquissés les enjeux d'un exercice qui n'est pas sans péril puisqu'il s'agit de passer au crible de la philosophie politique la portée d'un événement aux effets incertains.