Cine / video
Rencontre entre Wang Bing et Jaime Rosales
animée par Emmanuel Burdeau
19 abr 2014
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Rencontre entre Wang Bing et Jaime Rosales, qui se connaissent depuis plus de 10 ans. Ils échangent sur leur Correspondance filmée, leurs films, l'amitié qui les unit, le cinéma.
La discussion est animée par Emmanuel Burdeau.
Les propos de Wang Bing sont traduits par Pascal Wei-Guinot.
WANG BING, INDISPENSABLE ARTISTE
Il ne se contente pas de nous donner à voir le monde, il crée un monde en soi. Le cinéaste chinois Wang Bing, né en 1967, documente depuis ses débuts, à l'aube des années 2000,
l'existence d'hommes et de femmes dont le destin est fissuré par la perte : ouvriers privés de
leur travail après la fermeture des usines (À l'ouest des rails, en 2004), citoyens, intellectuels
enfermés dans des camps de rééducation (Fengming, chronique d'une femme chinoise, en 2007,
Le Fossé, en 2010), ermite subsistant dans une grotte dont la hauteur lui permet à peine de
se tenir debout (L'Homme sans nom, en 2009), gamines livrées à elles-mêmes alors que leurs
parents sont partis travailler à la ville (Les Trois soeurs du Yunnan, en 2012), malades internés
dans un asile sous le règne de l’arbitraire (‘Til Madness Do Us Part, en 2013). Wang Bing raconte
de film en film l'humanité restée en marge de la marche triomphale de la Chine contemporaine
vers la prospérité matérielle.
Rares sont les cinéastes qui, comme lui, font corps absolument avec l’acte de filmer.
Photographe de formation, il tient le plus souvent lui-même la caméra et suit inlassablement
les personnages pour mieux fixer leur essence. Archiviste éternel de la mémoire vivante de
son pays, il voyage d’un bout à l’autre de la Chine à la rencontre de ses protagonistes, parfois
jusqu'à y perdre la santé. La tentation est forte de convoquer les notions de « résistance »
et d'« engagement », à propos du travail de Wang Bing. Cet immense artiste à l'humilité et l'obstination déconcertantes, répond à l'injustice par la radicalité sans faille de la durée de ses
plans et par la puissance de ses images.
En présentant à partir du 14 avril le travail de Wang Bing, le Centre Pompidou plonge entièrement dans cet hallucinant ballet d'un monde en ruines. Ses images se répondent, ses personnages nous interpellent. Le dispositif imaginé avec lui rend compte de cette polyphonie : rétrospective intégrale en salles de cinéma, présentation de films inédits sous forme d'installation et, pour la première fois dans le monde, exposition de son travail photographique, sous forme de trois séries, Père et fils, Traces et L'Homme sans nom, au Forum -1. Ainsi, pour notre manifestation est-il retourné à la rencontre de cet homme, personnage principal du film éponyme pour en ramener de foudroyants portraits en noir et blanc. Il a également photographié, dans le désert de Gobi, les restes des camps qu’il avait reconstitués pour son seul long métrage de fiction à ce jour, Le Fossé.
J'exprime ici la fierté que je ressens à présenter au Centre Pompidou la cohérence de cette
oeuvre majeure du 21ème siècle qui nous vient de Chine. Je souhaite que le travail de Wang Bing, indispensable artiste, rencontre le public à la mesure de sa puissance.
Alain Seban, Président du Centre Pompidou
JAIMES ROSALES, PORTRAITISTE MODERNE
Dans l'atmosphère douce d'un jardin public, une mère en deuil voit apparaître, comme un fragment d'un rêve, la silhouette de sa fille disparue. Cette séquence, filmée en noir et blanc,
issue du dernier long métrage de Jaime Rosales, Rêve et Slence, pourrait laisser entrevoir à elle
seule la quintessence de l'oeuvre du cinéaste espagnol. Né en 1970, il semble s'attacher depuis
ses débuts à représenter et tenter de comprendre l’irruption de la violence dans l'apparente banalité du quotidien. Mêlant un grand sens de la forme, voire une certaine conceptualité esthétique, à une approche humaniste, Jaime Rosales peut être considéré comme un des
grands témoins de l’Espagne des années 2000, aux prises avec la crise et la violence sociale
qui en résulte. Si son oeuvre reste encore mal connue en France, ses quatre longs métrages
ont été distribués dans les salles espagnoles après avoir été présentés dans de nombreux
festivals internationaux, la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes, notamment.
La Soledad (2007) a connu un succès critique et public, Un tir dans la tête (2009) a été présenté
au Reina Sofia de Madrid, événement rare qui atteste de la singularité de la position du cinéaste.
Le Centre Pompidou montre à partir du 14 avril l'intégralité du travail de Jaime Rosales, dans
le cadre de la présentation de sa « Correspondance filmée » avec le Chinois Wang Bing, à
la suite de José Luis Guerin et Jonas Mekas, d'Albert Serra et Lisandro Alonso. Il n'est pas
étonnant de convoquer ici la forme de la correspondance, tant ces deux artistes, amis de longue
date, ont à (se) dire et à partager. Les trois courts métrages qu'ils s’adressent, présentés chaque
jour en accès libre au Forum -1, racontent leur tentative commune de représenter la modernité
dans sa plus sèche nudité.
A l'occasion de ce dialogue fraternel et international entre deux grands cinéastes, le Centre Pompidou est heureux et fier de présenter pour la première fois en France l’intégralité du travail
de Jaime Rosales, en sa présence.
Alain Seban, Président du Centre Pompidou
Quando
Desde 17:30